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19/05/2015

III.19 Bien arrivés aux Bermudes

III.19 : Sur la route des Bermudes

 

Rédigé en mer ce vendredi 15 mai matin 0746.

Il y a maintenant deux heures que le soleil s’est levé. Il diffuse d’abord sa lumière bienfaisante à travers la claire-voie et les hublots bâbords. L’Otter a été complétement fermé cette nuit suite à une lame qui, si elle n’était pas scélérate, n’en était pas moins vilaine car, alors que nous faisions route au travers du vent sous régulateur d’allure et par un vent établi de plus de 20 nœuds avec rafales à trente (GV 3 ris, trinquette et Yankee 3 ris), elle a complétement submergé le bateau, envoyant sur la couchette de veille dans le carré ainsi que sur celle de Marjo qui dormait, une bonne pinte d’eau de mer nous rappelant sévèrement que c’est toujours la mer qui décide. Elle ne pardonne pas d’avoir négligé de visser convenablement les papillons de  serrage des hublots, ce qui était le cas ! Bref la nuit s’est passée en l’attente d’une autre lame qui, fort heureusement, n’est jamais venue. Mais d’où viennent donc ces vagues improbables qui surprennent toujours les marins ? En une fraction de seconde, le cockpit était noyé et les évacuations travaillaient ferme pour le vider. Prévoyant que cela pouvait recommencer, j’ai bardé la porte de la descente de ses deux panneaux de protection-tempête et ai fini mon quart assez anxieux, je dois bien l’avouer. Pendant ce temps Marjo essayait de se rendormir mais non sans difficultés car des réveils pareils, on s’en passerait bien volontiers !

 

18h00, je reprends le clavier. Dehors cette fois. Il fait grisâtre. Le ciel est fermé par une épaisse couche de nuages bas tout juste traversée par les rayons du soleil déclinant qui n’arrivent pas à la percer. L’Otter navigue sous grand voile 2 ris et tout devant. Il file ses 5 bons nœuds au près bon plein dans une mer qui s’est quelque peu calmée ce qui n’était plus arrivé depuis notre sortie de la baie de Chesapeake, il y a quatre jours. Il faut dire que la queue de dépression tropicale Ana s’est révélée plus inconfortable que les prévisions nous le laissaient supposer. L’océan était bien creusé. Nous avions sous-estimé la mauvaise réputation du fameux cap Hatteras pourtant déjà franchi l’an passé au départ de notre remontée vers la Nouvelle-Ecosse. Le vent du N rencontrant le Gulfstream n’a rien arrangé. Bref, voilà quatre jours que nous naviguons comme si nous étions en course ou presque car les conditions de navigation changeant rapidement, nous avons eu un bon entraînement pour nous remettre dans le bain. Ariser la grand voile au 1er, au 2ème, voire au 3ème ris, renvoyer de la toile, reprendre un ris, régler le régulateur d’allure (Windpilot) qui ne discute pas avec la règle qui impose au bon marin de porter la toile du temps et semble dire : « Si tu surtoiles le bateau, je fais grève ! »… Bref, beaucoup de travail à bord. Décrochant mon regard de l’ordinateur, je vois de nouveau un océan devenu rassurant. La haute pression s’installe lentement mais sûrement et est actuellement de 1043 hPa. Il est certes encore trop tôt pour croire que la traversée va se terminer en farniente mais on peut déjà au moins l’espérer. Marjo maintient le moral du team en préparant de bons petits plats et ce, sans relâche malgré les conditions de navigation que l’on peut considérer comme difficiles. Cuisiner dans un shaker n’est pas une sinécure ce dont témoignent les belles échymoses apparues ces derniers jours sur les cuisses de Marjo !

Depuis notre départ, nous n’avons croisé qu’un seul voilier faisant route inverse. Quelques navires de commerce ont été aperçus au loin, d’autres uniquement repérés sur notre radar ou grâce à notre récepteur AIS. Pour le reste, rien ! Ni dauphins, ni cétacés. Quelques oiseaux de mer et des méduses tueuses (voile de vénus ou caravelle portugaise) ont agrémenté notre curiosité restée jusqu’à présent sur sa faim. L’océan nous est paru bien vide jusqu’à présent.

 

Matin du samedi 16 mai. 09h52

 

Durant la dernière partie de la nuit, le vent a refusé et notre Windpilot, après de petites hésitations, nous a fait prendre la direction des Bahamas « tricnonote » (expression wallonne je crois pour indiquer la lenteur) c’est-à-dire à 1 ,5 nœud maxi. Je ne pouvais pas le laisser faire ! Il est vrai qu’à sa défense, nous portions toujours la toile de nuit (2ris dans la GV et 1 ris dans le yankee) car le début de celle-ci avait été bien ventée. L’anticyclone prend donc ses quartiers. Après quelques hésitations et énervements, nous nous décidons à faire appel à Yan (c’est le petit nom de notre moteur) et reprenons la route directe cette fois, le nez dans ce qui reste de vent. Le soleil se lève, magnifique mais fugace. Il se cache dans les nuages et poursuit sa montée dans un ciel qui se colore de mille feux. Bientôt, ses rayons reprennent appui sur l’horizon en dessinant de magnifiques pieds de vent ainsi appelés par les madelinots. Quel bon moment ! Comme la vie en mer peut être surprenante, basculant de l’anxiété d’une mer assez dure vers la sérénité d’un matin magique. L’horizon est maintenant dégagé et le soleil en a déjà bien pris ses distances. Le ciel est bleu piqué ça et là d’un petit nuage de beau temps. L’Otter sent l’écurie et se laisse entraîner par Yan pour lutter contre un léger courant qui s’oppose à notre progression depuis que nous avons quitté le Gulfstream (La t° de l’eau y était de 24°C alors qu’elle n’est plus que de 20°C). Un lab me tient compagnie. Il vole de conserve avec moi. Il y a une heure, une troupe de dauphins nous a souhaité une bonne fin de traversée en jouant avec notre étrave et se manifestant  par des sauts spectaculaires. Tous ces événements me ravissent et me font apprécier d’être ici au milieu de l’océan, seul.  Ce matin, c’est une bonne odeur de pain en train de cuire qui m’a mis en appétit. Ah cette Marjo ! Quand elle ne lit pas, ne dort pas ou ne m’aide pas à la manœuvre, elle prépare quelque chose. A moi de deviner… Cela aussi, c’est le sel de la traversée… (à suivre)    

 

Au petit matin du lundi 18 mai à 01h00

 

Moi qui suis toujours impatient d’arriver, voilà qu’il me faut attendre en mer que le jour se lève car nous avons été un peu trop rapides et, arriver de nuit aux Bermudes étant déconseillé, il était plus prudent de prendre cette décision. Donc, alors que l’Otter marchait du tonnerre de Neptune et filait ses 7 bons nœuds, j’ai dû, la mort dans l’âme, lui reprendre de la bride et lui imposer deux ris dans sa grand voile et yankee presque complétement enroulé ! Ainsi freiné, nous achevons notre traversée à moins de 5 nœuds, le plus souvent 4. A croire que l’on n’a pas envie d’arriver… Il faut savoir que ça ne rigole pas ici et le navigateur qui veut mouiller aux Bermudes doit montrer « patte blanche ». Il doit s’annoncer à la VHF 30 milles avant l’arrivée, indiquer le temps estimé pour atteindre le port et garder le contact avec Harbour Master au fur et à mesure de l’atterrissage. Un vrai cadeau pour Marjo qui a déjà repéré que les Bermudiens parlent anglais avec un accent néerlandais. Peut-être n’est-ce que le capitaine du port et qu’il est trop tôt pour généraliser. Tous les concurrents de l’ARC semblent être arrivés car nous les avons entendus s’annoncer, comme il se doit,  à la VHF. Remarquons que l’océan est tellement grand que, partis presque ensemble, nous n’en avons pas perçu un seul durant la traversée !Malgré notre handicap (probablement avons-nous entamé la traversée quelques heures avant eux, nous avons bien fait marcher le bateau car sans la décision de freiner notre arrivée, nous semblions être dans les temps ! Nous serons fixés dans quelques heures…

 

Mardi 19 mai au mouillage à St Georges Bermudes.

 

Hier, avons dormi toute la journée… et une bonne partie de la nuit, contents d’être à l’abri (20/25 nœuds de vent ; rafales de 30 !). Ce matin (0456 locale), connexion Wifi à l’arraché grâce à notre antenne badboy, le vent est calmé. Au travail pour la mise à l’eau de l’annexe et la découverte de l’île.

 

(à suivre…)

10/05/2015

C'est reparti...

Bien arrivés à Baltimore après une journée sans vent idéale pour tester le bateau. Pilote auto OK ; presse-étoupe OK ; barre OK ; GPS (nouvelle antenne). Tout fonctionne parfaitement. Les custom's étaient fermés d'où on est obligés de visiter jusque lundi matin ! Cela n'est pas plus mal. Après Salem, Newport, Boston, New-York, Annapolis, il y aura Baltimore. Les Américains rencontrés sont vraiment charmants. ns2Creparti.jpgCe matin il y a eu un petit comité pour nous souhaiter bon vent, échanger les adresses emails, donner des petits cadeaux, , faire des hugs, larguer nos amarres. Vraiment, notre mésavanture nous a fait rencontrer des personnes charmantes. Le sel du voyage, quoi (photo David Dodson)

17/04/2015

Rapport de terre/mer III.17

 

Rapport de mer/terre III.17

 

Le 13 octobre 2014.

  

Il y a des jours qu’on voudrait oublier aussi vite qu’ils sont derrière nous ! Le lundi 6 octobre est l’un de ces jours maudits. Nous étions partis « magasiner » avec notre fille Manon qui devait reprendre l’avion à Washington le lendemain à 15h00. Nous avions loué une voiture pour ces deux jours et profitions des derniers moments de vagabondage dans un « outlet » où l’on ne sait plus où donner de la tête tant les prix d’articles de marque impayables en Belgique sont ici bradés jusqu’à 75 % avec en plus l’avantage du change.

 

Vers 16h30 heures, alors que nous nous décidions tranquillement de rentrer au bateau, Marjo ouvre son iPad et voit avec horreur le message suivant apparaître dans sa messagerie : « 15h28 : Your boat has dragged onto rocks In front of Naval Academy. Contact Harbour master immediately. Alan ». Atterrés par cette nouvelle, nous rentrons immédiatement avec l’esprit en effervescence. Comment un tel drame a-t-il pu arriver ? Nous ne laissons en effet jamais le bateau seul au mouillage sans avoir attendu quelques heures au moins pour être assurés que l’ancre a bien croché et, ce lundi matin, nous étions ancrés et stabilisés depuis la veille. Daté d’une bonne heure plus tard, un second message nous a été envoyé : « US Naval Academy and TowBoat US are making arrangements to move your boat and Haul it out at the Academy's facilities. Here is one person onboard assessing damage. No water leakage taking place. » Ce message, nous indiquait donc que notre bateau n’avait pas coulé mais nous ne savions pas où il se trouvait. Notre inquiétude grandissait au fur et à mesure de la lecture de ces différents messages. Envoyé à 16h57, un troisième message indiquait : « Otter II is off the rocks and proceeding to US Naval Academy  slips to be hauled out. »Quelque peu rassurés  nous parcourûmes les derniers kms du retour dans un silence qui en disait long sur les émotions qui se bousculaient dans nos esprits en train de nous imaginer dans quel état nous allions retrouver notre bateau et où ? Nous n’en avions aucune idée. Le boat show était en préparation et le moindre espace était occupé, raison pour laquelle notre bateau avait atterri dans les installations de la Navy !

 

Arrivés au port, nous n’avions guère que le choix de nous rendre à la « US Naval Academy » afin de savoir où se trouvait notre bateau car, non seulement nous étions impatients de constater son état mais encore, nous devions bien dormir quelque part et également permettre à Manon de terminer ses bagages pour son départ du lendemain. Toutes ses affaires ainsi que passeport et billet d’avion étaient restés sur le bateau ! Ici, je vous passe le dialogue de sourds entre Marjo, gardant son calme malgré les circonstances, attendant une réponse des gardes chargés de surveiller les entrées très contrôlées dans la base. Ceux-ci, visiblement troublés par une situation sortant de la routine, donnaient des coups de téléphone et nous faisaient patienter un long moment pour ne nous donner qu’une seule information qui s’avéra inutilisable car hors des heures de service ! Nous n’avions donc pas de réponse à nos questions. Notre bateau avait disparu et nous ne savions pas que faire pour le retrouver. Le crépuscule s’installait et il ne nous restait que l’annexe pour passer la nuit ! Notre seul choix était donc de nous rendre à bord du Moonlight Maid, le bateau de nos amis canadiens Alan & Ether, auteurs des messages reçus en fin d’après-midi pour aller aux nouvelles puis prendre une décision pour trouver un gîte. Manon était avec nous et l’inquiétude grandissait au fur et à mesure du temps qui passait car nous étions de plus en plus dans l’incertitude. Et c’est là que nous avons eu la chance de pouvoir vérifier, une fois de plus, l’immense solidarité des gens de mer. Nos amis nous accueillirent avec une compassion telle qu’il semblait presque que c’était eux qui avaient perdu leur bateau. Non seulement ils nous contèrent les événements de l’après-midi concernant le dérapage de notre ancre mais ils s’arrangèrent avec d’autres amis canadiens pour nous héberger. La queue de la mini-dépression ayant occasionné notre mésaventure nous secoua toute la nuit – la houle rentrait dans le port et faisait rouler les bateaux ! – et, cela additionné à toutes les questions qui se bousculaient dans nos esprits, nous ne pûmes que somnoler en attendant que cette nuit qui n’en finissait pas, cesse…

 

 

 

Au moment où j’écris ces lignes, une semaine plus tard, j’ai encore des bouffées d’émotion et de rage à l’idée que tout cela ne serait peut-être pas arrivé si notre ancre n’avait pas été draguée par un plaisancier maladroit, voire paniqué car les témoignages recoupés indiquent que plusieurs bateaux voisins ont également dérapé leur ancre ce qui représente la seule explication au décrochage de la nôtre (cette situation s’étant déjà présentée plusieurs fois dans les Anilles alors que nous étions fort heureusement à bord nous laisse à penser que cette éventualité n’est pas négligeable)…

 

 

 

Notre mésaventure n’est malheureusement pas finie (désolé d’être long !). Le lendemain matin, notre ami Alan prend les choses en mains et par appels téléphoniques et VHF, parvient à connaître la position de notre pauvre bateau. Dans notre malheur, il avait été pris en charge par les militaires de la Navy et remorqué dans une darse militaire où nous pûmes le retrouver. Je vous passe ici tous les sésames dont nous dûmes user pour l’atteindre, la base navale étant protégée comme si le Président Obama était en visite ! (Je pense que si cela avait été le cas, nous aurions dû attendre son départ pour rejoindre notre bateau). Mis à part la rigueur de la sécurité, je me dois d’ajouter que les rapports des militaires avec nous ont été dans le registre d’un savoir-vivre policé, voire presque convivial. Il faut dire que Marjo se surpassa en diplomatie patiente tant l’unique objectif de notre démarche était de pouvoir enfin rejoindre notre cher Otter !!!

 

 

 

Arrivés enfin en vue de notre bateau, quelle ne fut pas notre surprise de le voir entouré d’un nombre impressionnant de navires plus ou moins importants de la Navy. Il ne pouvait être mieux protégé !!! Les marins l’avaient professionnellement amarré et nous ont entourés de leur intérêt tant l’amour des bateaux transpirait de leur comportement. De vrais gentlemens… qui ne nous permirent quand même pas de passer la nuit à bord. Manon étant repartie en Belgique et ne désirant pas abuser de l’hospitalité de nos amis, nous passâmes cette première nuit dans un motel des environs. Le lendemain, Marjo prit tous les contacts nécessaires et suffisants pour nous permettre de faire remorquer l’Otter  dans un chantier susceptible de prendre en charge toutes les réparations. Écoutant les conseils de nos amis américains Bo & Joyce Chesney, nous nous décidâmes pour le chantier « Bert Jabin » où le remorqueur nous emmena, notre système de barre ne nous permettant plus d’évoluer en autonomie (drosse du secteur de barre cassée). A peine arrivés, nous fûmes entourés de toute une armada de contremaîtres et autres professionnels qui voulaient évaluer la situation avant et pendant la sortie de l’eau afin de ne pas perdre de précieuses indications quant au diagnostic en vue des réparations des dommages.

 

 

 

Depuis lors, l’Otter a été placé sur bers au sec et, à la demande du chantier, nous sommes partis à la recherche de modifications éventuelles dans la structure du bateau, recherche qui, fort heureusement, n’a donné aucun résultats. Pendant que je m’occupe à différentes remises en ordre et autres petits bricolages, Marjo se bat avec la constitution du dossier pour l’assurance. Il est question de devoir démâter le bateau pour pouvoir y travailler à l’abri. Si tel est le cas et dès que nous aurons le feu vert de notre assurance, nous ne pourrons plus habiter notre bateau et reviendrons en Belgique, le confiant ainsi au chantier qui le remettra en état de naviguer pour nous permettre en février de reprendre notre longue route de découverte … A bientôt donc le grand plaisir de vous revoir toutes et tous ! 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

23/09/2014

III.16

Ce 29 août 2014 pendant le passage de Cristobal et les jours suivants…

 

Mais que se passe-t-il ? Devez-vous vous dire tant il est vrai qu’un certain déni de mon clavier a interrompu le récit de notre voyage. Mon dernier « rapport » date de notre retour en Belgique pour l’intervention chirurgicale de notre Manon. Nous étions fin juin et je m’aperçois ainsi que deux mois se sont écoulés sans que je n’aie pris la peine de vous narrer nos découvertes. Disons donc que, comme la plupart d’entre vous, j’ai pris quelques vacances qui vous aurons permis de penser plus aux vôtres qu’à notre long voyage et, dans le fond, je trouve que c’est très bien ainsi.

Partis de Halifax avec l’objectif de rencontrer nos amis Josiane & François du voilier Umialtak (signifie en inuit voyageur des mers) aux îles de La Madeleine, notre voyage s’écarta une nouvelle fois du projet initial en choisissant le Bras d’Or plutôt que d’emprunter le « Straight of Canso » qui sépare l’île du Cap breton de la Nouvelle-Ecosse. Des navigateurs rencontrés à Halifax avaient en effet vanté les superbes mouillages de ce Bras d’Or - mer intérieure décrite par les locaux comme la plus grande mer intérieure d’eau salée au monde ! Bref, devant leur enthousiasme, nous nous sommes décidés. Après donc trois étapes le long de la côte S de la Nouvelle Ecosse (Owls Head Bay, Beaver Harbour et Tor Bay) nous passions l’écluse pour entrer dans ce fameux Bras d’Or que nous avions hâte de découvrir. Première escale à St Peter’s marina située à l’ouest de la sortie du canal du même nom. Accueil exceptionnel. Là-bas – c’est presque une généralité au Canada – les personnes présentes aux environs de l’endroit que vous avez choisi de vous amarrer se précipitent pour saisir vos aussières et vous aider, le tout avec le sourire et des « nice to meet you » et autres « welcome ». Apprenant que toutes les commodités de la marina sont utilisables même si l’on est à l’ancre, nous ne nous faisons pas prier et ancrons à une encablure de la marina. Internet à bord et les toilettes et douches à disposition avec, à chacun de nos retours à terre, l’accueil souriant du « dockmaster » toujours prêt à rendre service ou fournir une information. C’est vraiment à regret que nous avons quitté cet endroit tellement charmant pour prendre la direction du N.

 

J’oubliais de dire que, depuis notre atterrissage sous une fine bruine sur l’écluse de St Peter’s canal, le temps s’est mis en mode estival, nous évitant le brouillard et nous accompagnant d’un grand soleil et de températures supérieures à 20°. Jusqu’à ce moment, il faut bien dire que nous étions loin, très loin de l’idée que l’on s’était faite du froid canadien. Quelques milles de navigation sans vent nous amenèrent à Pellier Island où nous nous sommes retrouvés tout seuls au milieu d’une nature qui se caractérisait par la grande, l’immense forêt canadienne où le silence règne en maître laissant toute la place aux cris perçants d’un couple d’aigles pygargues qui nous survolèrent pendant un long moment démontrant avec majesté leurs qualités de planeurs. Et, là-bas, perdus dans une crique semblant oubliée des hommes, nous savourâmes le calme et la quiétude bucolique qui nous était offerte tel un cadeau de dame Nature. Le bateau semblait contempler son âme dans le miroir de l’eau qui le portait. De temps à autre, le croassement d’un corvidé déchirait ce silence, un martin-pêcheur plongeait, des oies caquetaient… Un vrai bonheur !

Tous ces fabuleux mouillages de bonne tenue, c’est toujours presque à regrets que nous les avons quittés, passant sous le pont de Barra Strait pour jeter successivement notre ancre à Maskel’s Harbour et enfin à Baddeck où nous avons trouvé un chantier naval disposé à nous installer le chauffage DICKINSON que nous traînions en pièces détachées depuis le début de notre voyage ! Le travail terminé au cours duquel nous avons encore eu droit à de belles rencontres, nous avons poursuivi notre route avec une première étape à Otter Island (On ne pouvait décemment pas rater ça !) juste avant la sortie du Bras d’Or. De nouveau en mer ouverte, et par grand beau temps toujours établi, nous sommes passés par Birds Island où nous nous sommes régalés en observant des colonies de phoques qui se prélassaient au soleil où nous regardaient passant la tête tout juste sortie de l’eau. Des aigles pygargues tournoyaient et piquaient par moments  sur les hauteurs de l’île qui, au vu des multitudes d’oiseaux qui nichent là, doivent représenter un fameux garde-manger pour ces magnifiques prédateurs. Des macareux par milliers forment sur cette île d’immenses colonies. Ils décollaient de partout dérangés qu’ils étaient par l’approche de notre étrave. Après avoir savouré cet exceptionnel moment de découvertes, nous nous dirigeâmes vers Ingonish Harbour où nous avons passé une nuit de calme et de tranquillité en compagnie du seul autre voilier partageant le mouillage. Relevons en passant que les voiliers de passage sont rares, très rares. On se demande vraiment pourquoi une si belle région est si peu visitée par la plaisance internationale. Les seuls bateaux que l’on croise ici sont soit canadiens, soit américains. Un seul voilier français fut croisé à Baddeck et revu à Ramea. Les autres nations européennes brillent par leur absence mais shut ! Si on revient un jour, on aimerait que rien ne soit changé et que la rareté des équipages continue à faire partie du grand plaisir de découvrir ces coins enchanteurs…

Sur la route des îles de La Madeleine, nous passâmes une nuit un peu plus stressante à l’île St Paul, inhabitée depuis peu et dont les fonds sont de très mauvaise tenue. Le temps étant au grand beau, nous nous y sommes risqués mais c’est avec un grand soulagement que je me réveillai avec le lever du soleil pour m’échapper rapidement du piège que pourrait devenir un tel endroit par fort vent d’E ! Et le 5 août, nous jetions notre pioche à Havre Aubert, magnifique et tranquille mouillage situé au S de l’archipel.

A peine arrivés, François, notre ami montréalais en vacances aux îles, apprend par courriel que nous sommes arrivés et nous donne rendez-vous. Avec ses deux sympathiques garçons, il nous prendra en charge, nous fera visiter les îles à bord de leur beau « camion » (c’est ainsi que les québécois appellent un 4x4) Mercedès et ce à deux reprises. Quelle joie de découvrir les îles avec de tels guides ! Nous aurons encore le plaisir de tester notre autonomie en leur absence en faisant du pouce (autostop), ce qui fonctionne très bien ici. Les autochtones savent qu’il n’y a ni bus, ni taxis, et embarquent donc les touristes assez volontiers. Il y aura encore le concours de châteaux de sable et, le clou de notre séjour, les succulentes tagliatelles aux fruits de mer de François où le homard madelinot prenait presque toute la place !!!

Le lendemain de nos au-revoir à nos amis, nous avons repris la mer vers l’E cette fois en direction de Terre-Neuve dont nous remonterons la côte SO, atterrissant d’abord à L’Isle aux Morts où un quai désert nous attendait. De là, nous irons visiter Port-aux-Basques en « camion » avec deux sympathiques retraités qui nous donneront même rendez-vous pour le retour. Ici commence un véritable désert social. Population vieillissante ou carrément disparue. A Grand Bruit, c’est tout le village qui est abandonné. Il n’y a plus âme qui vive ! La surpêche a bien fait son travail. La région est socialement sinistrée. L’océan a été vidé de tout ses poissons. Il faut vivre cela pour le croire. Une région si belle et sauvage dont toutes les ressources économiques ont été dilapidées par l’inconscience humaine. Nous promenant à Grand Bruit, nous ne rencontrerons que quelques caribous semblant être chez eux dans les rues désertées de ce beau village constitué de jolies maisons en bois peintes de toutes les couleurs. Nous poursuivrons notre route vers St Pierre & Miquelon en deux nouvelles étapes : Ramea où nous ferons le plein de fuel et François, petite communauté de 90 personnes, perdue au fond d’un fjord et uniquement accessible par la mer.

…/…

 

A St Pierre, nous nous amarrons au quai du yacht club et, le bateau est à peine rangé qu’un vieux pêcheur nous interpelle à propos de notre pavillon qui ne cesse d’alimenter les conversations à propos de son origine. La question est toujours la même : ils sont allemands ou belges ? Décidément, je pense qu’il n’y a que nos diables rouges qui auraient pu, en gagnant la coupe du monde, éviter à l’avenir ce genre d’hésitation ! Bref, ce vieux marin – il faut croire que sa vie a dû être bien plus pénible que la mienne car il n’a que trois ans de plus que moi qui, à côté de lui, ai tout l’air d’un gamin ! Bref, après avoir rassuré notre marin qui avait parié avec son copain que notre pavillon était belge, il nous propose fort gentiment de nous faire faire le tour de l’île dans son pickup. Comme il est un peu tard, nous acceptons bien volontiers mais pour le lendemain matin. Rendez-vous est pris partons à la découverte de cette île attachante qui sent bon la France.

 

Après quatre jours de traversée avec des vents contraires, du brouillard à couper au couteau mais un océan pas trop inconfortable, nous sommes arrivés en fin de matinée  et sous un ciel pur et ensoleillé, à Lunenburg en Nouvelle Ecosse. Malgré les conditions de navigation le plus souvent au près serré avec ou sans l’appui du moteur, ma capitaine a réussi à nous cuisiner des coquilles St jacques aux petits légumes, une longe de porc à la moutarde, des spaghettis bolognaise et des filets mignons accompagnés de pommes de terre cuites dans de la graisse d’oie. Je ne suis pas certain que tous les navigateurs puissent se vanter de si bien manger en traversée ! Il est vrai que l’avitaillement avait été fait en France où, il faut bien le dire, les produits de bouche sont incomparablement délicieux. Il n’en est pas moins vrai que la cambusière de l’Otter II n’a pas son pareil pour les accommoder ! 

 

(à suivre)

 

Sur la route de Halifax

Rapport de terre/mer III.14c

 

Sixième jour de mer. L’Otter poursuit sa route inlassablement au moteur à travers cette haute pression qui n’en finit pas. On n’est jamais content ! Trop de vent, on fait la moue, trop peu, on se lamente… Les longues traversées vent constant de travers ne sont pas légion, ce serait trop beau. Comme chaque situation a ses avantages et ses inconvénients, il faut reconnaître que depuis l’accalmie qui nous a contraints à faire appel à notre moteur, j’ai rédigé deux rapports de mer et suis en train de commencer le troisième ! A terre, il y a tant et tant de choses à faire que le clavier est laissé un peu dans l’ombre. On l’utilise le plus souvent pour échanger des nouvelles du pays et de ses habitants sur facebook en ce qui me concerne, Marjo préférant se servir du courriel. Nous sommes connectés le plus souvent assez bien depuis l’installation de notre nouvelle antenne réceptrice du Wifi. En mer, et qui plus est au moteur, l’océan étant très calme, voire tel un lac, il n’y a rien à faire et comme l’idée de s’ennuyer ne me vient jamais à l’esprit, j’occupe celui-ci à la lecture des instructions nautiques utiles pour l’atterrissage (en anglais cela prend du temps et enrichit le vocabulaire !), la lecture tout court (j’ai toujours un roman entamé qui m’attend), les tentatives de communications satellitaires (Il faut dire à ce propos que les satellites Iridium ne desservent pas bien le NO de l’Atlantique car de multiples tentatives de connexion sont indispensables pour arracher au ciel les précieuses prévisions météorologiques) et, bien sûr la contemplation méditative de l’océan à laquelle je me livre  toujours avec le même plaisir. L’océan grouille de vie mais seule une observation patiente permet de le constater. Pour l’instant par exemple, une baleine pourrait souffler non loin de nous sans que je m’en aperçoive tout occupé que je suis à rédiger ce rapport. On ne peut pas être au four et au moulin ! Ce matin, deux bonnes heures après le lever du soleil, j’étais assis sur notre beaupré – nous y avons installé un petit siège bien confortable pour y admirer les dauphins – et je contemplais la mer. C’est incroyable cette sensation qui est particulièrement bien rendue dans le film Titanic, cette sensation de voler au-dessus de l’océan, l’image du navire qui vous porte disparue dans votre dos. Votre champ visuel balaie l’océan à la recherche de mouvements inhabituels. A la chasse, c’est la même chose : c’est souvent par le mouvement que le gibier se laisse découvrir. C’est lors de cette attentive observation que je découvre au loin une série de moutons blanchâtres de plus en plus nombreux et se rapprochant, devenant multitude. Des centaines d’éclaboussures annoncent la venue d’une bande de très nombreux grands dauphins. Ils approchent et se déroutent pour venir se disputer la place royale située sous la sous-barbe de notre beaupré (que l’on appelle également delphinière lorsqu’il est habillé d’un filet protecteur comme sur les vieux gréements). Ils vont de çà et de là changeant de direction à faire pâlir les meilleurs joueurs de la NBA. Ils vont et viennent et se relaient sous l’étrave du bateau. Chacun veut avoir sa part du plaisir de caresser le point bas de notre sous-barbe du bout de l’aileron. Ce matin, pour la première fois, la bousculade était telle – je devrais plutôt écrire « l’impression de bousculade » car ils ne se touchent guère – qu’un des dauphins heurta cette forte pièce en acier inoxydable et s’en alla, je suppose tout penaud, réfléchir à la manière d’éviter à l’avenir ce désagréable contact ! Pendant près d’une demi-heure, ils se sont ainsi succédés, groupe après groupe. Je ne sais si ils m’entendent les encourager avec enthousiasme, leur crier qu’ils sont beaux, que je les aime, leur montrer par la voix le bonheur que j’ai de les rencontrer. J’ai voulu partager cela avec Marjo mais elle dormait et il faisait froid. J’ai joué l’égoïste, l’ai laissé dormir et enregistré ces belles images pour moi seul. Et oui, je viens de le signaler. Finis les tenues légères, voire d’Adam que les tropiques nous permettaient ! Ici, j’ai ressorti mes sous-vêtements Patagonia (Merci à Emily & Alex qui m’ont si bien équipé au fil de mes anniversaires !), mes salopette et veste de quart Trax, chaussettes et chaussures de pont.

La température a chuté d’un coup. 20° dans le carré. 16°C dans le cockpit. 12,3 °C dans l’eau !!! Du plus jamais vu depuis trois ans !  Le soleil fait des efforts pour briller de tous ses feux sans toutefois caresser l’idée d’égaler ses performances antillaises. Il est maintenant 10h14 locales et notre sillage va bientôt devenir canadien. Plus que quelques milles et nous quitterons les eaux américaines. Nous longeons le banc de Georges, endroit peu profond aussi grand si pas plus que la Belgique. D’après les prévisions, il nous faudra encore attendre demain après-midi pour achever notre traversée sous voiles, poussés par une petite brise de  suroît qui viendra ponctuer cette belle traversée. Destination : Royal Nova Scotia Yacht Squadron à Halifax (à suivre…)