19/12/2016
Petite chronique du Rio Dulce
Petite chronique du rio Dulce
Il y a quatre semaines que nous sommes revenus après quatre mois de pérégrinations européennes. Un mois pour reprendre nos marques plus difficiles dans un bateau en chantier. Hugo, notre ouvrier guatémaltèque a vécu en notre absence un drame familial qui l’a contraint à accumuler un retard imprévu dans les travaux demandés. Impossible de lui en vouloir. Perdre son jeune fils suite à une chute accidentelle et une longue agonie a été pour lui et sa famille une irréversible catastrophe dont il essaie tout doucement de se relever. Nous l’aidons de notre mieux en valorisant son travail lorsqu’il vient à bord avec sa jeune et sympathique équipe. Nous les approvisionnons en boissons rafraîchissantes qui les aident à assumer la chaleur torride à laquelle ils sont certes mieux adaptés que nous mais qui reste néanmoins un élément de pénibilité incontestable. Travailler même à l’ombre pendant une journée sans pluie relève ici de la performance, les températures dans le bateau fluctuant autour des 35-38°C !
Fort heureusement, la Monkey Bay Marina où nous sommes amarrés comprend plusieurs avantages : elle est organisée comme une colocation où, cuisine (bien équipée), grande salle de séjour (où l’on peut prendre l’apéro, dîner, se reposer, faire son fitness), atelier (avec électricité, compresseur, perceuse, meuleuse,…) et douches/toilettes sont partagées par les équipages. Ainsi, Anglais, Américains, Canadiens, Russes, Belges, Guatémaltèques se côtoient dans une ambiance très conviviale. Chacun s’intéresse aux petites habitudes des uns et des autres, aux traditions, aux us et coutumes, bref tout un petit monde très cosmopolite bien agréable à vivre au quotidien. Cette convivialité comporte l’avantage de nous éloigner du bateau lorsqu’on y travaille ou lorsqu’il y fait trop chaud. La salle commune est couverte d’un toit de palmes très joli et ouvert à la brise qui vient rafraîchir fort heureusement l’atmosphère. Elle est équipée de grands ventilateurs qui permettent de mieux supporter la chaleur et c’est donc là que, assez souvent, on peut se retrouver pour un apéritif où chacun apporte sa contribution en « amuse-bouche ». Ce sont de précieux moments de partage qui stimulent mon apprentissage de l’anglais. Quant à celui de Marjo on peut dire qu’il fait partie de son bagage linguistique pour ainsi dire acquis ! Elle s’est maintenant jetée sur l’apprentissage de l’espagnol dans lequel elle progresse assez rapidement pour que j’en fasse des complexes ! Son incroyable don des langues me fascine. Il faut dire que quand elle cause, elle cause… et ces longues heures de pratique sont autant d’avantages par rapport au relatif mutisme qui me caractérise… en anglais comme en espagnol, d’ailleurs !
Tous les matins, à 08h00, la VHF est branchée sur le canal 69 (le cruiser’s net). Il y a déjà plus de deux heures que nous sommes réveillés. Avec 8 heures de décalage, il est 16h00 à Bruxelles. Parfois, ces deux heures sont consacrées à téléphoner à l’un ou à l’autre mais c’est notre fille Manon la plus fidèle au poste. C’est fou ce qu’une mère et une fille peuvent se raconter ! Tous les matins donc nous avons droit à : « Good morning Rio Dulce ! ». Suivent alors toutes les communications dont, d’abord, la météo. Ensuite, le canal est ouvert à celui ou celle qui souhaite faire une communication. La plupart concernent les propositions de menus dans les différents restaurants riverains du rio. On y annonce les plats du jour ainsi que les prix qui, le plus souvent, défient toute concurrence. Ici, dans le Rio Dulce, il n’est pas rare de pouvoir manger pour 3€. Compte tenu qu’une bière coûte 1,5€, on peut dire que la vie est ici vraiment bon marché. Par exemple, pour 4€ vous pouvez acheter facilement 4 kilogs de légumes. ½ kg de rôti de porc et un demi poulet ne coûte que 4€ ! On comprend ainsi mieux pourquoi un grand nombre d’Américains ont jeté leur sac dans ce coin magnifique perdu dans la jungle. Il n’est pas rare de rencontrer des navigateurs, le plus souvent âgés, dont le bateau n’a plus quitté le rio depuis plus de dix ans !
Poursuivant mon énumération des activités annoncées, je retiendrai la séance hebdomadaire de cinéma qui est organisée le plus souvent à Tortugal marina. Les films sont sous-titrés en anglais ce qui en facilite la compréhension. On réserve sa place par VHF (45 quetzals soit 5€ pour le film, le repas boisson comprise et l’aller-retour en lanchia - ce service est fort apprécié par tous, le rio étant assez inquiétant à pratiquer de nuit tant les autochtones y foncent sans feux de navigation et avec, pour seul moyen de visibilité, une lampe torche !).
Deux fois par semaine, un petit bateau passe à la marina pour l’avitaillement de ceux qui désirent ne pas trop bouger. Bref, une petite vie tranquille bien organisée.
Je reprends le clavier quelques semaines plus tard. Le ton change quelque peu car notre chantier s’éternise au point de me rendre quelque peu nerveux ! Les ouvriers guatémaltèques sont gentils, très gentils. A ce propos, on ne peut rien leur reprocher. Ils se précipitent, lors de nos retours de courses à la ville, pour décharger Marjo de tous ses sachets (et oui, ici, on n’est pas encore prêts à renoncer à cette commodité peu écologique que nous recyclons immédiatement en sacs poubelles. Mais bon, ce n’est qu’un pis-aller…). Ils sont toujours prêts à rendre service. Par contre, pour le travail, ils sont d’une lenteur déconcertante. Fort heureusement, ils sont sous contrat et donc, finalement, sont irréprochables car nous ne les rétribuons pas à l’heure (si c’était le cas, je serais au bord de la dépression car ils sont très souvent nombreux à se partager des outils de piètre qualité et à s’entre-surveiller !). Bref, bien que les travaux de rénovation du pont en teck soient en phase finale, les dernières finitions tardent encore. A la décharge des ouvriers, les pluies tropicales arrivent souvent comme des trouble-fête, pour les contraindre à jouer les prolongations !
De mon côté, lorsque le bateau peut rester accessible, les travaux étant suspendus, voire adaptés à ma présence, je me suis attaqué au défi que je me suis lancé de remplacer l’électronique du bord qui, de plus en plus, donnait des signes de fatigue, les bugs succédant aux bugs. Pas très rassurant en navigation. Après une petite vingtaine d’années de bons et, de moins en moins loyaux services, il était temps de tourner la page et d’envisager son remplacement. C’est donc pour cette raison que lors de notre dernier retour, nous avons rencontré, à Arzal (Bretagne) un spécialiste en électronique de marine qui nous a conseillé puis vendu un kit répondant à notre demande et, cerise sur le gâteau, accompagné d’un plan de montage précis qui m’a permis, une fois à bord, de démonter tout l’ancien système B&G Hydra2 (c’est la marque) et de le remplacer par les nouveaux appareils bénéficiant des derniers progrès à savoir du système de communication NMEA 2000 (il s’agit d’une nouvelle norme de transfert de données qui permet d’intercaler des appareils dans le « bus », succession de connexions au sein desquelles circulent les datas en provenance des différents instruments connectés et ce, dans les deux sens). Cela permet de faire évoluer le système sans modifications compliquées au niveau de la centrale, ce qui représentait la plus grosse difficulté auparavant).
Bref, au moment où j’écris ces lignes, le stress de m’attaquer au « déshabillage » de l’ancienne électronique est derrière moi. Tous les anciens fils ont été retirés (ce que les professionnels rechignent à faire et qui complique sérieusement les interventions ultérieures) et les nouveaux appareils sont presque tous en place et connectés exception faite des deux écrans prévus dans le cockpit devant la barre à roue. Un boîtier en teck a été construit et est au stade des finitions (qui durent bien trop longtemps, aussi, à mon goût !)[1]. Encore deux jours de liberté de travailler et l’électronique sera en place. Je vous enverrai des photos de mon organisation électrique. Décelez-vous déjà entre les mots une certaine fierté ? Il m’en est quand même de taire l’aide précieuse apportée par Olivier Cardon[2] qui, malgré le décalage horaire, a répondu avec une précision impressionnante à toutes les questions que je n’ai pas manqué de lui envoyer en cours de réalisation. A aucun moment je n’ai dû patienter. Il a été chaque fois sur la balle. A croire qu’il était sur place !
Bref, la vie suit son cours. Quand nous ne travaillons pas au chevet de notre vieille amie, l’Otter II, nous rencontrons un tas de personnes allant de la « haute en couleurs », vieux hippies venus se perdre ici pour finir leurs jours, à l’Américain de passage (les plus nombreux) ; Canadiens, Français (ils se regroupent dans ce que j’ai appelé le village gaulois, marina gérée par un Français et où l’anglais est pratiqué avec une grande parcimonie !), Allemands, Suisses,… un grand nombre de nationalité se côtoient ; il y a même des Russes qui parlent tellement peu anglais et espagnol que l’on se demandent comment ils ont pu arriver jusqu’ici d’une part et surtout, ce qu’ils sont venus faire car, a contrario de la plupart, ils sont relativement jeunes[3]…
Hier soir, tournoi de Trivial Pursuit. On fait des groupes. On mange un plat unique et c’est parti ! A notre table un couple d’Australiens, un américain, un canadien et un couple de Belges (nous). On s’est classé 2èmes . Le meilleur cours d’anglais jamais reçu mais était-ce un cours ? Vraiment… De telles mises en situation à l’athénée m’auraient tant fait gagner du temps plutôt que de me le faire perdre en versions et thèmes de textes dénués d’intérêt !
La saison des cyclones touchant à sa fin, nous assistons à de nombreux départs, ceux des optimistes qui se disent que ça n’arrivera pas. C’est ce que nous leur souhaitons en les enviant quand même un peu car ils s’en vont avec leur bateau en ordre. Ils prennent le vent. Ils redeviennent libres d’aller ou bon leur semble. Les reverrons-nous ? Peut-être… le monde est si petit ! Quant à nous, nous garderons encore quelques semaines le statut de petites abeilles pour finir la préparation du bateau qui avait bien besoin d’un bon « lifting ».
Décision a été prise de reporter Panama à la saison prochaine. Cela nous permettra de tester et de mettre au point notre nouveau matériel (l’électronique et le remplacement de notre mâtereau support d’éolienne par un portique en inox qui recevra 4 panneaux solaires, de quoi augmenter notre autonomie et nous permettre d’alimenter le désalinisateur que nous prévoyons d’emporter dans le Pacifique). En janvier, nous reprendrons la mer pour une courte saison de voile/plongées au Belize, à Cozumel, aux îles Caïman et retour peut-être par la Jamaïque et les îles du Honduras… En attendant, au boulot !
[1] Rappel : on est au Guatemala !
[2] Olivier CARDON
E 3 MARINE
Mob. 06 27 19 40 00
Fax. 09 60 13 99 97
[3] Le sous-sol guatémaltèque étant assez riche en minerais précieux dont des Russes ont déjà tenté une exploitation, peut-être leur présence dénonce t-elle une velléité de come back ? Difficile de s’en assurer (cfr méconnaissance de l’anglais).
23:58 Écrit par Otter2 dans Journal de bord, Moments de vie, Rapport de terre/mer | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
11/04/2016
L'Otter II chez les Mayas
Après nous être régalés des fonds sous-marins de Cozumel au cours de quatre plongées dont deux dérivantes à nous donner le tournis tellement ça allait vite, nous nous sommes mis en route vers le Sud avec pour objectif de nous octroyer une petite halte sur l’atoll Banco Chinchorro. Distant d’une centaine de milles, nous pensions, en partant en début d’après-midi, naviguer la nuit et y jeter notre ancre le lendemain dans la matinée, voire début d’après-midi. Au moment où j’écris ces lignes, nous sommes à une quinzaine de miles de cet atoll qui s’est fait désirer toute la journée et a poursuivi ses caprices pendant toute la nuit ou presque. Nous nous en approchons à une vitesse moyenne sur la surface de 150 MN/jour ce qui n’est pas mal du tout ! Je connais des voiliers beaucoup plus grands qui ne font guère mieux ! Ce n’est malheureusement pas parce que notre moyenne sur la surface est bonne que nous progressons sur le fond ! Il faut compter sur le courant qui ne se limite pas à Cozumel mais persiste selon le guide de Freya Rauscher jusqu’au sud du Banco Chichorro que nous approchons lentement mais sûrement. Nous l’atteindrons fort probablement alors que le jour ne sera pas encore levé ce qui nous empêchera d’y pénétrer (Il est fortement déconseillé d’entrer de nuit dans un atoll). Après avoir profité de ce courant en plongée, celui-ci s’est retourné contre notre progression vers le sud. Si nous ne doutions pas qu’il faudrait compter avec lui, nous en avions sous-estimé la force car voilà plus de 36 heures que nous n’avons pas dépassé la vitesse sur le fond de maximum 4 nœuds. Le plus souvent même, alors que sur la surface, notre speedo grimpait à 7 nœuds, notre vitesse fond restait inexorablement basse, descendant même parfois à 2,5 nœuds !
Mais pourquoi s’en plaindre ? Le temps est magnifique. Pendant la journée, le soleil brille de tous ses feux avec seulement quelques nuages pour égayer le ciel. La nuit, alors que la lune n’est pas encore levée, la nuit nous offre de spectaculaires moments de méditation car sous de pareils cieux, comment ne pas se demander encore et encore : « Mais qui sommes-nous ? Quelle est la raison de notre présence dans cette immensité céleste infinie ? ». Ce qui est certain, c’est que nous ne sommes pas nombreux à nous poser la question car, depuis notre départ de Cozumel, nous n’avons croisé qu’un seul « loveboat » se découpant sur l’horizon tel un gigantesque sapin de Noël. Il est vrai que si tous ses passagers regardaient le ciel en même temps que nous, cela fait déjà plus de monde ! Mais le font-ils seulement ? Nos vies sont tellement différentes…
Nous quittons donc le Mexique avec le sentiment de nous être bien imprégnés de l’esprit Maya. D’abord en revisitant Chichen Itsa. Il y a une vingtaine d’années, nous avions découvert en famille le Yucatan au cours d’un merveilleux séjour dont tous gardent un excellent souvenir. C’est ainsi que nous avions escaladé la pyramide de Chichen Itsa avec nos enfants (cette escalade est désormais interdite !). Nous avons ensuite visité le site moins connu mais récemment découvert et ouvert au public de EK Balam dont les fresques et la pyramide nous ont fortement impressionnés. Mais au-delà de ces clichés touristiques non moins intéressants comme tels, nous avons rencontré des gens merveilleux en sortant des sentiers battus et visitant de petits villages au sein desquels vivent encore dans des cases des Mayas restés fidèles à leurs coutumes et traditions. Nous les avons vus préparer les tortillas (Marjo s’y est exercée à l’invitation des femmes ayant remarqué son intérêt)que nous avons dégustées comme eux, à la main, chargeant ces délicieuses petites crêpes des différents ingrédients composant notre plat : poisson ou viande grillée, l’éternel guacamol dont nous avons goûté la diversité des recettes (chacun préparant le sien !), la salade de tomates découpées en tout petits cubes et délicieusement assaisonnée… Nous les avons observées, ces femmes Mayas, tissant inlassablement de générations en générations, les mêmes hamacs aux couleurs chatoyantes qui sont vendus aux touristes. Au détour d’une route, perdue dans la jungle, nous sommes allés nous baigner dans une des nombreuses cénotes
dont certaines sont exploitées et donc payantes et très fréquentées. Vous aurez compris que nous avons trouvé mieux. Nous y sommes descendus comme des invités à se baigner dans la piscine du village où seuls quelques Mayas s’ébrouaient. Quelle fraîche parenthèse dans ce trou de verdure protégé du soleil et quelle surprise également de constater que beaucoup de baigneurs portaient des gilets de sauvetage. Manifestement, ils ne savaient pas nager ! Ce n’est pas à Cuba que nous aurions pu voir cela car là-bas, ils ont des piscines, des écoles, la jeunesse est prise en charge. Elle a droit à l’éducation. Quel contraste ! Notre voyage nous emmène d’étonnement en étonnement et celui-ci n’est que l’un d’entre eux. Nous apprendrons que beaucoup de femmes Mayas sont analphabètes.
Marjo s’ingénie à trouver des chemins de traverses à notre voyage qui n’en est que plus agréable chaque jour. Tournée vers les autres, elle exploite sans relâche son don des langues pour entrer en contact avec les gens, les comprendre, se faire apprécier d’eux. L’autre jour, elle me disait se considérer vraiment comme trilingue, comme si j’en avais jamais douté ! Elle a progressé en anglais à un point tel qu ‘elle le pratique de manière presqu’aussi fluide que le néerlandais. Quant à moi, le voyage me fait rattraper le temps perdu à l’école à me dégoûter d’apprendre les langues étrangères. Certes, tout n’est pas perdu ! Je n’appréhende plus les soirées fatigantes où les conversations sont exclusivement en anglais et où, l’an passé, je ne comprenais rien du tout ou presque ! Maintenant, je participe et si, bien-sûr, je calle à certains moments, un petit aparté en français avec Marjo me remet vite sur les rails. C’est aussi cela le voyage : une perpétuelle mise en situation d’apprentissage. Marjo a déjà tourné la page de l’anglais pour se consacrer à l’espagnol. Elle progresse de jour en jour, discutant les prix avec les taxis et les commerçants qu’elle s’emploie à faire comprendre que nous ne sommes pas nés de la dernière pluie, remplissant nos formalités administratives avec les autorités maritimes mexicaines qui semblent ignorer parfaitement la langue des gringos, ainsi que la possibilité qu’une femme soit capitaine d’un bateau !
Avec l’entrée dans le Rio Dulce, notre voyage va s’orienter vers l’organisation de notre retour en Europe. Il nous faut trouver une marina qui pourra sortir le bateau de l’eau et le mettre à l’abri. Des travaux sont prévus comme l’installation de nos quatre panneaux solaires achetés aux Etats-Unis mais non encore installés, le remplacement de la capote qui porte fièrement toutes les réparations, véritables cicatrices de l’usure du temps qui passe trop vite (déjà plus de vingt ans que l’Otter II accompagne nos errances marines !), etc. Des contacts sont déjà pris, des tas de renseignements sont à notre disposition à travers les écrits d’amis-bateaux qui nous ont décrit leur expérience là-bas…
Il est maintenant presque 7h00. Marjo a encore droit à une heure de sommeil. Je vais préparer le thé. Notre vie à bord est ainsi faite de ces petites routines qui font de notre vie de marins celle qu’on aime. Parfois aussi, de surprenantes rencontres : hier en fin d’après-midi, deux hirondelles semblant épuisées nous ont rendu visite, utilisant l’Otter II comme plate-forme de repos…
Le soleil éclaire maintenant l’océan depuis une bonne demi-heure et vient de se lever derrière des nuages de beau temps au travers desquels les rayons solaires se faufilent faisant apparaître les fameux pieds du vent chers aux Madelinots. Nous sommes arrivés à la latitude de Banco ChinChorro mais avons décidé de poursuivre notre route. Il ne faut pas rater notre rendez-vous avec la marée qui nous permettra de faire glisser notre quille par-dessus la passe d ‘entrée du Rio.
Et moi, j’écris
(à suivre…) en me félicitant d’avoir passé une partie de mon quart en votre compagnie.
22:55 Écrit par Otter2 dans Journal de bord, Rapport de terre/mer | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
17/03/2016
Cuba l'inconnue...
L’Otter II découvre Cuba sourire, Cuba gentille, Cuba généreuse…
Forts de la présence à bord de notre Manon et après nous être bien imprégnés de l’ambiance de Santiago de Cuba, nous larguons les amarres après avoir laissé les autorités vérifier qu’aucun cubain clandestin ne s’est faufilé dans une cabine. Devoir accompli, les officiers de l’immigration nous aident et c’est presque avec tristesse qu’ils nous regardent nous éloigner du quai. C’est fou comme une semaine de rapports où la cordialité de départ a fait place à une sorte d’amicale fraternité tisse des liens.
Il y avait Arthuro, l’officier de l’immigration, Georges, le capitaine de la marina, Armando, Norberto,… tous, dans les limites de leurs possibilités administratives, tournés vers le souci de nous être agréables. Arthuro ira jusqu’à relever l’intérêt de Marjo pour le café cubain (impossible à trouver en grains à Cuba) et, sans rien promettre, en fit apporter par son beau-père depuis sa lointaine montagne. Marjo, ravie, fut placée pour la première fois de sa vie devant du café non torréfié, problème qu’elle résolut presque sur le champ en cuisant les grains dans une poële à frire. Le café, moulu ensuite au moyen de notre nouveau moulin, développa tous ses arômes dans notre cafetière Bialetti et ce, pour notre plus grand plaisir. La femme de Norberto nous fit même offrir deux jolies petites poupées cubaines confectionnées par ses soins. Nous les avons bien entendu exposées en bonne place dans notre carré. Toutes ces gentillesses ne furent bien entendu pas à sens unique. Chaque fois que nous remarquions de l’intérêt pour l’un ou l’autre objet dont nous pouvions nous passer, nous leur offrions de bon cœur. C’est ainsi que du fil électrique, des vieilles clés USB, des CD-Roms, un tuyau d’arrosage,… ont bien vite trouvé acquéreurs. Bref, tous ont transformé notre bref séjour à quai en une semaine où nous nous sommes vraiment sentis accueillis.
Cuba accueillante…
Après une première navigation de nuit au cours de laquelle l’alizé nous emmena en douceur vers l’ouest, nous mouillons dans Cayo Media Luna, repéré comme un excellent abri par tous les temps. Nous y sommes seuls. Le plan d’eau est aussi tranquille qu’un lac. La première nuit est illuminée par une pleine lune magnifique. Le vent est tombé. Nous écoutons le silence. Nous n’en croyons pas nos oreilles…
Cayo Passa Honda nous accueille ensuite. Mer d’huile. Couché et levé de soleil impressionnants, les cieux semblent vouloir prendre feu. Des vols de flamands roses… La vie est belle à bord de l’Otter II. Les appareils photographiques, une fois sortis de leur sacoche, n’y retournent pas, enregistrant tant et tant de magnifiques images témoins de ces moments de vie privilégiés.
Manon semblant bien reposée de son long voyage, nous nous décidons à avancer vers Cayo Cuervo. Approchant du piquet d’entrée du lagon, les fonds remontent rapidement. La carte est suffisamment imprécise pour nous inciter à la prudence. Nous mouillons donc un peu à l’écart afin de ne pas gêner le passage des quelques crevettiers qui semblent avoir choisi le lagon comme base de départ. De là où nous sommes, nous observons les entrées et sorties de ces pêcheurs qui, une fois ancrés, nettoient leur filets chargés de crevettes. Dès ce travail terminé, l’ancre est relevée et le crevettier vient se mettre à couple d’un navire plus important qui semble être le bateau mère dans les cales duquel les crevettes sont stockées probablement sous glace. Nous pensions nous retrouver là-bas tous seuls et non près d’une flottille de bateaux de pêche au travail mais il est trop tard pour changer de Caye. Nous ne le regretterons pas. Le soleil est déjà bas sur l’horizon. Nous vérifions la bonne tenue de l’ancre lorsqu’un troisième crevettier revient de pêche, passe à côté de nous et, l’équipage nous faisant amicalement signe de les suivre, embouque la passe à une encablure à droite de la perche comme s’il y avait 5 mètres d’eau sous sa quille ! Nous leur répondons par signes que notre tirant d’eau, trop important, nous en empêche…
Là où nous sommes, l’ancre a bien croché et nous décidons de rester dehors pour la nuit.
Pas avant seulement d’avoir approché ces pêcheurs qui nous faisaient de grands signes amicaux et nous invitaient à les suivre à l’intérieur du lagon. Nous grimpons dans l’annexe et sondons la passe à l’ancienne (en lançant un plomb de sonde en avant du dinghy et reconnaissant la profondeur en passant à la verticale du plomb - Jamais en panne et nettement meilleur marché qu’un sondeur électronique !). A l’endroit où les crevettiers passent, il y a 3,5 m et plus ! Largement assez pour notre Otter mais bon, on n’est jamais assez prudents !
Nous nous approchons. Marjo, toujours prévoyante, a emmené une bouteille de rhum, des savons et autres petites choses que nous savons rendre heureux ces cubains le plus souvent démunis. On se présente. Depuis mon arrivée en terre cubaine, je suis Juanito (plus facile à prononcer que Jean), Marjo est Maria (Ils arrivent pas à dire Marjo !) et Manon garde son beau prénom plus facile à prononcer. Les mains se tendent. Les sourires illuminent leurs visages tannés par le soleil caraïbe. Marjo demande : « Cambio Camaronese por Rhum ? » Cela déclenche l’hilarité générale - comme s’il n’y avait pas de crevettes à bord d’un crevettier ! A peine sortie de son sac, la bouteille de rhum disparaît à leur bord.
Toujours riant aux larmes, un des marins nous donne un saut plein de magnifiques crevettes dont Marjo espère prélever la quantité suffisante aux besoins du bord. Que nenni ! Ils insistent et moi je traduis : « Vous devez manger tout ! » Il est vrai qu’elles sont belles leurs crevettes… Difficile de trouver plus frais ! Soucieux de quand même varier un peu les prochains menus, je risque : « langosta ? » et, comme par magie trois belles langoustes atterrissent dans le fond de l’annexe. Quelle générosité. Rien n’a encore été négocié. C’est cadeau ! Marjo leur donne en extra des savons, deux paires de lunettes de lecture (hautement appréciées) et quelques crèmes de beauté pour leurs « mujers ». Penchés au-dessus de leur bastingage, leurs sourires en disent long sur leur reconnaissance. Je pense encore une fois : « On a tout ; ils n’ont rien et sont contents de l’instant présent qui les enchantent presqu’autant que nous ! ».
Cuba généreuse…
Rentrés à bord, Marjo s’active avec Manon pour prendre soin de nos cadeaux de la mer. Outre les crevettes, elle a reçu des calamars qu’elle prépare comme il se doit selon une recette de tapas espagnols déjà bien connue. Les calamars et quelques kilos de crevettes dont une partie sera cuite et décortiquée, disparaissent dans notre frigo. Il n’empêche que, sans congélateur, il est fort heureux que tous les trois, nous apprécions les crevettes car nous en avons reçu de quoi nourrir un équipage bien plus nombreux ! Notre réserve de protéines pour les jours suivants est en tout cas assurée !
Alors que nous envisagions de poursuivre notre route vers l’ouest, des amis-bateau Français arrivés entre-temps, viennent gentiment nous prévenir que le vent va monter la nuit et qu’il ne fera pas bon rester dehors. Ils nous disent qu’ils tiennent ces infos des pêcheurs qui nous invitent à venir mouiller près d’eux, à l’abri de la mangrove. Ils nous disent que cela les rassurerait. Appréciant cette intention toute empreinte de la gentillesse cubaine, nous levons l’ancre et allons la remouiller un demi-mille plus au N, bien à l’abri de la mangrove qui nous protégera efficacement des rafales qui montèrent durant la nuit à plus de 35 nœuds.
Cuba attentionnée…
Le lendemain, cap vers les Jardins de la reine proprement dits, à Cayo Breton, où nous mouillerons également bien à l’abri. Là, à peine ancrés, des pêcheurs de langoustes reviennent de leur longue et pénible journée de travail. Ils plongent en apnée presque du lever au coucher du soleil, vêtus de combinaison en néoprène dont ne voudrait plus un club de plongée africain. Mais ils sont là, souriants, appréciant notre joie de les rencontrer. Ils remarquent immédiatement que nous les acceptons à couple en mettant en place les pare-battages. Manon trépigne, l’appareil photographique mitraille les pêcheurs qui s’y prêtent avec complaisance. La séance de troc commence. Je choisis deux grosses langoustes parmi celles qu’ils nous proposent et refuse les autres en leur disant que nous n’avons pas de congélateur et que nous ne voulons pas gaspiller leur gagne-pain. Marjo leur donne notre dernière bouteille de rhum. Manon est invitée à leur bord et n’hésite pas à enjamber le bastingage, elle va à leur rencontre digne héritière du charme communicateur de sa Maman. Les pêcheurs sont sous le charme et, malgré mes protestations, me balancent deux belles langoustes supplémentaires pour accompagner les deux premières. Pendant ce temps, le plaisir de la rencontre est évident. La glace est rompue. On papote en une sorte d’espéranto espagnolisé. Marjo progresse. Manon se rappelle ses cours d’espagnol de l’ISALT et participe. Ils me demandent une vieille écoute de yankee que j’ai laissé traîner sur le pont. Je la leur donne avec grand plaisir car au moins, je suis certain de lui donner une seconde vie. Ils demandent si nous avons de la crème protectrice pour leurs lèvres que l’eau de mer attaque en permanence. N’en ayant pas, Marjo compense en leur donnant des rouges à lèvres pour leurs épouses. Elle distribue aussi trois paires de lunettes de lecture neuves achetées en vue de cette situation. Nous nous amusons beaucoup de leur enthousiasme à recevoir des objets qui sont tellement rares pour eux qu’ils ne remarquent pas en les essayant qu’ils sont encore protégés par une fine pellicule de plastique, ce que nous nous empressons de leur faire remarquer. Dans la conversation un plongeur signale en riant les nombreux trous parsemant sa combinaison. Je me rappelle en avoir encore une ancienne toujours en bon état mais que mon embonpoint m’empêche désormais d’utiliser. Je la trouve et la lui donne sans savoir s’il va pouvoir l’utiliser et J’obtiens son plus large sourire comme toute réponse. C’est alors que l’un d’entre eux s’aperçoit que nous avons suspendu à la poupe de notre voilier, un bout où j’ai enfilé par leur anse un grand nombre de bidons à eau potable vides que nous destinons aux poubelles. Ils nous les demandent avec empressement et sont immédiatement satisfaits, trop contents que nous sommes de nous débarrasser de ces encombrants récipients qu’ils vont eux remplir et utiliser au quotidien leur offrant ainsi, à eux aussi, une seconde vie ! Quelle belle leçon de vie ! Quelle merveilleuse rencontre ! Ils prennent alors congé non sans avoir demandé à Manon si elle était mariée…
Pendant que les amarres sont larguées, Manon remarque avec une émotion toute maternelle que certains essaient les produits cosmétiques sur eux-mêmes utilisant les rouges-à-lèvres avec le plus grand sérieux. A peine éloignés de quelques encablures, ils laissent éclater leur joie. Ils sont manifestement satisfaits, eux aussi, de la rencontre. Notre joie, plus discrète mais non moindre, est à son comble. Quel beau et bon moment de vie ! Le mot dollars ou CUC (monnaie locale) n’a pas été prononcé une seule fois. Le matérialisme que nous tentons d’éviter au quotidien s’est tenu à l’écart…
Cuba la vraie…
(à suivre…)
16:52 Écrit par Otter2 dans Journal de bord, Rapport de terre/mer | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
14/02/2016
Enfin, Cuba s’inscrit sur la longue route
Enfin, Cuba s’inscrit sur la longue route de notre découverte du monde et…
Partis de Georgetown avec une fenêtre météo pas « top » mais nous garantissant une « following sea » sans toutefois nous prévoir des vents « fair », nous avons navigué, dois-je le dire sans faire rougir notre Otter, comme de vrais pros, notre vitesse n’étant pour ainsi dire jamais descendue sous les 6 nœuds et courtisant le plus souvent les 7, voire parfois les 8 nœuds ! Bref, 425 milles parcourus en 70 heures, les marins peuvent rapidement se demander si nous ne sommes pas un peu menteurs avec un voilier pesant en charge près de 20 tonnes ! Notre voyage s’est achevé en baie de Santiago de Cuba sous bas ris et yankee enroulé de plusieurs tours avec un vent catabatique nous obligeant à tout rentrer en slalomant dans les grains pour terminer au moteur vent de 35-37 nœuds dans le nez !
Une fois le goulet d’entrée franchi sous les regards des touristes visitant le Castillo del Moro gardant l’entrée de Santiago de Cuba, le calme oublié depuis trois jours s’installe tant dans les haubans de notre fier voiler que dans nos esprits un peu embrumés par le manque de sommeil.
Plusieurs appels VHF étant restés sans réponse, les officiels chargés de surveiller les entrées du port étant certainement occupés à d’autres tâches plus importantes, nous sommes arrivés en vue de la marina internationale Santiago de Cuba, la VHF restée muette jusque là. Les guide nautiques insistent pourtant sur l’obligation de se signaler dès l’entrée dans les eaux cubaines, c’est-à-dire à moins de 12 milles des côtes. Arrivés donc en vue de la marina, un officier de la Guarda Frontera nous donne (c’est la première fois qu’une telle procédure nous est proposée) une position GPS pour l’ancrage. Un petit cafouillage provenant de la difficulté de compréhension des chiffres annoncés nous fait renoncer et refaire une demande. L’officier, de guerre lasse, modifie sa demande en nous indiquant une aire de mouillage plus facile à comprendre et située entre les bouées rouges du chenal et la marina. Aussitôt dit, aussitôt fait, cette position nous semblant plus normale que celle indiquée précédemment qui nous envoyait de l’autre côté de la baie là où aucun autre navire n’était ancré. Nous apprendrons par la suite qu’il nous avait tout simplement appliqué le principe de quarantaine d’antan !
Quelque temps après avoir vérifié notre ancrage, une « lancha » (sorte de bateau-taxi) vient nous déposer une jeune dame ressemblant à l’épouse de Timour, cheveux roses, ongles assortis, tablier blanc qui demande à monter à bord de façon qui nous sembla officielle parce qu’elle brandissait un sac de l’UNICEF ! Après les présentations, nous comprenons que c’est la médecin qui représente l’inspection sanitaire, inspection qui se borna à vérifier le bon état de nos conserves et de nos fruits ainsi que si nous avions des bières au frigo ! Elle insista pour partager les deux bières fraîches qu’il nous restait en disant « Salute en bienvenudos a Cuba ! Bref, en trois coups de cuiller à pot, elle était devenue une amie et nous demandait quand même un peu de sous parce qu’elle devait désinfecter le bateau en prévention d’éradiquer le nouveau moustique « tueur » (moustique-tigre ?) dont se méfient les autorités sanitaires cubaines. Ah, oui, je ne voudrais pas oublier de mentionner la prise de température corporelle qu’elle effectua sur chacun d’entre nous avec une sorte de laser de poche qui, en éclairant un point entre nos yeux, indiquait notre température, notée immédiatement sur un des nombreux formulaires qu’elle devait remplir pour justifier sa présence à bord. Nous découvrons ainsi l’étonnant contraste cubain dont nous aurons, j’en suis certain, l’occasion de reparler… Nous sommes donc priés de dégager le carré après les remerciements chaleureux de la part de notre « docteur » appuyés de plusieurs « bessos ». Et oui, vous avez bien lu entre les lignes, j’y ai eu droit, aussi !
Fumigation terminée, nous revenons dans le cockpit et notre femme-médecine, s’arrogeant le rôle de capitaine, nous invite à lever l’ancre et d’aller nous amarrer à la marina où d’autres Officiels nous attendent…
Le comité d’accueil était là, sur le quai, tout disposés à prendre nos amarres, sourires et paroles de bienvenue compris. Nous savons que tout n’est pas encore gagné mais on se détend. L’ambiance cubaine s’installe déjà dans nos cœurs lorsque nous sommes accueillis dans le bureau de l’immigration par une série de stries enthousiastes lancées par un grand nombre d’oiseaux non encore identifiés perchés sur les palmiers locaux. Les formulaires défilent. Patiemment, en « anglespagnol » Marjo installe sa stratégie de séduction qui fera dire à l’Officier à mon intention que si je n’ai pas de fleurs à bord, Marjol en est une et que je peux bien lui offrir un beau bouquet le lendemain, jour de la St Valentin. Ah ces cubains, chaud devant. Il va me falloir être « attentif », Marjo continuant à roucouler afin de nous faciliter le parcours administratif. L’homme se détend. On parle de nos enfants et petits-enfants. Il parle des siens (pas encore de petits-enfants car il est trop jeune). On papote, quoi ! Je précise que tout se passe autour d’un bureau décoré d’un ordinateur relativement moderne mais dont Arthuro (Et oui, on s’appelle déjà par nos prénoms !) ne se servira pour ainsi dire pas si ce n’est pour jouer entre les coups avec la souris. Le reste du temps, il s’applique à remplir le long questionnaire en s’appuyant, le regard du prédateur compris, sur les dire en anglespagnol de Marjo dont il boit littéralement les paroles. Dois-je préciser que le tout se passe sous le regard bienveillant de Raoul Castro, bien encadré au mur, comme il se doit !
Revenu au bateau avec deux autres Officiers pour une dernière inspection, nous nous préparons (ou plutôt Marjo se prépare à cette inspection à laquelle nous nous attendions). Les Officiers ne sont pas accompagnés d’un chien qui, aux dires de certains, saute sur tous les coussins reniflant dans tous les coins à la recherche de l’une ou l’autre drogue. Nous semblons donc déjà placés dans la catégorie « soft personnes » ce qui est de bon augure ! Il faut remarquer que, pour certains – mais c’est radio-pontons qui le dit – l’inspection du bateau peut se transformer en véritable cauchemar, tout le contenu des coffres devant être sorti !!!).
Alors que je m’occupe à rectifier l’amarrage en fourrant les aussières susceptibles d’être attaquées par le quai en béton, Marjo entraîne les deux officiers, déjà sous son charme à inspecter les coffres qu’elle a choisi de leur faire voir. Elle a mis en place une stratégie de rangement subtile attirant l’attention sur certaines choses, la détournant d’une autre. Un chapeau, négligemment suspendu devant l’équipet qui nous sert de bar fera que celui-ci ne sera pas inspecté… Un bouquet de tampons décorant l’évier des toilettes découragera illico l’inspection de ce local. Toute sa stratégie s’avérera payante car non seulement les officiers ne découvrirent rien d’illicite (notamment tout notre matériel de capture de langouste et autre arbalètes sous-marine, sans oublier notre provision de rhum !) mais ils se confondirent en félicitations pour la qualité de rangement de notre bateau. Marjo, modeste, transforma cet agréable compliment en obligation sécuritaire pour la navigation. Nous clôturerons cette appréhendée inspection en faisant présent d’une clé USB à chacun des officiers qui quittèrent notre bord alors que la nuit était déjà bien installée. Ils étaient ravis et nous, nous étions arrivés. Nous étions acceptés à Cuba !
Alors que je m’occupais de tester l’électricité du quai afin de nous y raccorder, Arthuro s’approche et me demande si j’ai besoin d’aide. Il me dit alors avoir oublié de faire signer quelques papiers à ma Capitaine. Je l’invite donc à bord me disant que nous avons peut-être crié victoire trop tôt… On l’installe à la table du carré et il présente les différents papiers à signer. La conversation s’engage et, alors qu’Arthuro se prépare à prendre congé, Marjo lui propose une bière. A cela, je crois déjà avoir compris qu’aucun cubain ne résiste car notre ami s’installa devant sa bière et commença à parler de son île, répondant ainsi à nos nombreuses questions concernant la communication et les transports, notamment. L’homme s’avéra être charmant au propre comme au figuré répétant une fois encore que j’étais un heureux homme car j’avais une fleur à bord ! Vous aurez tous compris qu’il parlait de ma « femme navigante ou autre femme sirène » selon Hervé Hamon !). Nous apprendrons ainsi que les trois choses qu’ils recherchent dans les bateaux sont la drogue, les armes, et les passagers clandestins ! Ils ont ainsi des pavillons dans le collimateur : Français, Américains, Mexicains, Italiens, parfois ! Notre pavillon belge, comme le canadien et l’anglais, semble nous avoir bien facilité le passage, sorte d’initiation à la fréquentation tant des eaux que du territoire cubain.
(à suivre…)
22:05 Écrit par Otter2 dans Journal de bord, Rapport de terre/mer | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
14/01/2016
Otter II prend la plume...
Tant de journées à rester amarrée à une bouée alors que mes marins vont et viennent avec mon annexe, souvent pour aller à l’essentiel, c’est-à-dire s’occuper de moi : trouver les pièces de rechange nécessaires à mon entretien, améliorer, réparer, briquer – cela ils pourraient faire un petit effort ! – couture, matelotage, bref, s’opposer avec fermeté et opiniâtreté au lent mais efficace travail d’usure et de corrosion de l’air marin. De temps en temps, il n’y en a que pour eux : ils visitent ! Ils s’en vont en courses, voire à la laverie pour l’incontournable lessive. Ils ne sont pas encore aux Bahamas ! Là, seuls les maillots se salissent et encore !!! Ils semblent néanmoins heureux de partager mon aventure. C’est du moins ce qu’ils se disent entre eux, se congratulant sans cesse après une journée passée à s’occuper de moi. Il y a même des jours où ils s’octroient un bon petit verre qu’ils boivent parfois à ma santé mais il faut bien le dire, le plus souvent à la leur ! Autour de ce verre, ils discutent de tout et de rien. De mon pied de mât où j’ai toutes mes antennes, j’entends leurs réflexions à propos de la Famille et des amis que Marjo a très souvent au téléphone ou sur Skype, leurs inquiétudes à propos de la santé de l’un ou l’autre de leurs proches, de sujets partagés sur facebook… Il y a des jours plus tranquilles où ils reparlent de leurs rêves et c’est là que je leur prête une oreille attentive. Où vont-ils m’emmener cette fois. Ce fut si bon l’an passé, de monter dans le Nord et visiter tant de beaux mouillages où je me suis sentie si bien !
Et voilà que je repense à ce qui m’a envoyée au tapis, pendant le Boat show d’Annapolis. Un bien triste souvenir mais qui est presque oublié si ce ne sont les quelques cicatrices encore visibles sur ma coque bâbord. Mais restons positifs… Où vont-ils m’emmener ? Je les entends beaucoup parler de Cuba mais aussi du Mexique et du Guatemala, des terres inconnues encore pour moi et que je me réjouis de visiter. Ils passeront par les Bahamas dont j’ai un si bon souvenir : une eau des plus cristallines et d’une tiédeur très confortable où ils vont encore me quitter pour partir seuls plonger en annexe.
Ce petit texte, je vous l’écris alors qu’il fait nuit noire et que je me repose à l’abri de Crab Cay (Bahamas) après une impressionnante traversée du Gulfstream au départ de St Augustine. Il y avait plusieurs jours que je les entendais discuter météo et dire combien el Ninio chamboulait le temps un peu partout. Les dépressions se succédaient et reportaient chaque fois leur envie de larguer mes amarres. Ces amarres que Jean avait triplées pour ma sécurité. Et oui, ma sécurité ! Je les ai entendu dire que nous avons passé ici trois nuits d’enfer encore jamais vues aussi infernales aux dire de personnes vivant là-bas depuis dix-sept ans ! Sans un répit, pendant trois jours et trois nuits, le vent n’est pas descendu en-dessous de 30-35 nœuds avec rafales à plus de 40 ! Le fetch qui rentrait dans le mouillage était tel que ma pauvre annexe a vécu les heures les plus noires de son existence ! Au cours de ces trois nuits dantesques, deux voiliers ont rompus leurs amarres et sont allés perdre leur mât sur le pont situé en aval de la marée montante…
Mais aujourd’hui, ancrée dans une eau d’un calme que j’avais presque oublié, je repense à cette traversée dont je parlais tout-à-l’heure. Partis en début de matinée afin d’échapper au brouillard, le cap a été mis vers le S en serrant la côte pour éviter le courant contraire du Gulfstream. Je me sentais suivie ce qui est rare dans ces eaux semblant abandonnées des Américains qui lui préfèrent la quiétude de navigations interminables au moteur dans l’ICW, celui qui m’avait dessiné une bien vilaine moustache tant les tanins qu’il charrie sont comme une signature sur les coques ! J’étais donc suivie et bientôt se découpèrent sur l’horizon deux voiles qui mirent toute la journée à me poursuivre. D’habitude, lorsque nous sommes au portant, mon capitaine n’envoie pas mon petit foc bômé (celui qui fait de moi un cotre). Il m’avait confiée à son régulateur d’allure et vaquait à ses occupations, manifestement content de ma prestation. Je filais entre 6 et sept nœuds avec une mer assez formée qui me venait par l’arrière tribord.
Je dis « vaquait » mais j’avais quand même remarqué le petit non verbal de défit qu’il opposait au rapprochement de ces deux voiles dont l’une, reconnue, était celle du Bénéteau 49 pieds d’amis américains, partis pour la même destination que nous mais avec une heure de retard… Alors que le soleil déclinait, le premier voilier se rapprochait inexorablement et je remarquai qu’il portait toute sa toile avec manifestement le désir de nous laisser sur place. Mon capitaine m’avait arisée par deux fois afin de me faire naviguer à l’horizontale et dans un maximum de confort, ce dont je lui suis reconnaissante. Il avait quand même renvoyé un peu de yankee pour limiter l’affront d’être dépassé trop rapidement ! Alors que je m’apprêtais à m’avouer vaincue, branle-bas sur le pont. J’entends mon capitaine se déplacer vers mon avant et, le vent refusant quelque peu, je compris qu’il allait envoyer ma trinquette restée ferlée afin de gagner le demi-nœud qui suffirait à sauver l’honneur ! Non seulement l’honneur fut sauf mais, dégoûtés, les poursuivants rompirent le combat qui, manifestement les avait motivés toute la journée. Ils mirent le cap sur la côte alors que nos amis américains peinaient également à nous rattraper. Ils allaient y parvenir quand ils appelèrent par VHF pour prendre congé et rentrer à Cap Canaveral pour avarie de pilote automatique…
C’est donc seule que je poursuivis ma route, infléchissant celle-ci directement pour aller, en le traversant, à la rencontre du Gulfstream et de sa réputation. C’est la quatrième fois que je le traverse et, comme chaque fois, c’est à la température de l’eau que je sais que sa traversée a commencé : 25,6 °C ! Nous y sommes et le vent refuse. L’océan est comme un chaudron en ébullition. Les vagues se croisent dans tous les sens. La mer se creuse franchement, le vent du NNW faiblissant s’oppose au courant ce qui explique cela. C’est donc au moteur que je franchis ce « tapis roulant » - comme l’appelle Eric Orsenna dans son roman Le gulfstream –. L’archipel des Bahamas nous tendait les bras et c’est au moteur par mer enfin reposée et le cœur toujours emplis des émotions de la traversée, que nous y pénétrâmes par le Strangers Cay Channel.
02:57 Écrit par Otter2 dans Journal de bord, Rapport de terre/mer | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |