07/07/2013
Eté 2006
Souvenir d’une croisière vers
Lisbonne avec l’Otter II.
56 heures ! Du ponton du port de Lorient à celui de La Corogne, c’est un record que notre Hans Christian 43T (voir LN n°s 367, 373, 374, 387, 401) a établi par un vent soutenu de N-O. Bonne brise par le travers, le bateau a littéralement labouré la puissante houle atlantique stimulant notre loch tout étonné de se stabiliser au-dessus des 8 nœuds/surface, voire même plus par moments : quelques pointes à 9 nœuds ont été observées. Le pilote B&G a fait merveille et l’équipage, détendu s’est adonné à ses occupations de belle traversée : sieste, bronzette, lecture et pêche à la traîne. Nos deux adolescents, comme l’an passé et sans qu’il n’ait fallu insister, nous accompagnent, ma femme et moi, ainsi que notre inséparable chienne Ondine.
Arrivés à La Corogne le vendredi 8 juillet 2005 alors que le vent fraîchit et vire au N-E, nous laissons passer un coup de vent annoncé et, le beau temps s’étant rétabli, repartons vers Lisbonne sous la poussée d’une petite brise du N. Nous sommes le lundi 11 matin. Deux jours après, en fin d’après-midi, nous embouquons le Tage alors que le vent a fraîchi comme tous les jours, à partir de midi, sous l’effet des brises thermiques. Lisbonne et sa tour Belem nous accueillent.(photo) Nous imaginons la joie des découvreurs portugais rentrant au pays, épuisés par les privations et les maladies qui ont décimé les équipages et nous savourons notre chance de naviguer au XXIème siècle, confortablement installés, agrémentant notre voyage de nombreuses lectures dont certaines, choisies pour la circonstance, influencent notre imagination :
« Août 1499. Lisbonne. Deux bateaux approchent de l’estuaire du Tage. Cinquante-quatre hommes seulement sont sur les ponts. Des cadavres, animés d’un peu d’émotion à la vue de ce port familier. Des cales presque vides. Près de quarante-cinq mille kilomètres dans les voiles. Le plus long, le plus éprouvant des voyages au pays des Merveilles. (…) Gama sait qu’il a gagné la gloire ; tracé la route des Indes, (…). Désormais le Portugal a gagné la bataille des épices, de la porcelaine et de la soie et devant lui s’ouvre une époque inouïe de puissance et de richesse. »[1] .
Cette puissance et cette richesse, nous allons les percevoir tout au long de notre séjour dans la capitale portugaise. Depuis l'échec de la "révolution des œillets" qui a marqué, en 1974, la victoire de la transition démocratique, le pays s’européanise. Il se modernise sans pour autant cesser de rappeler sa gloire passée qui transpire à travers son magnifique paysage citadin. La misère sociale est , par contre encore présente : on peut la percevoir çà et là au détour de l’une ou l’autre ruelle de certains quartiers.
Il est 18 heures quand nous franchissons le pont tournant qui garde l’entrée de la Marina Alcantara. Attention à ne pas oublier de régler les montres : le Portugal est à l’heure d’été TU + 1. La marina, à cette époque de l’année, ne semble pas du tout surpeuplée et nous nous félicitons d’avoir tenu compte des instructions nautiques qui la conseillent. Elle est gardée nuit et jour par un sympathique capitaine monolingue assisté de son caractériel caniche, « Roger », beaucoup plus commode qu’il n’en a l’air ! Un portique à code protège l’entrée et nous rassure donc immédiatement : pendant nos absences, l’Otter II ne risquera rien.
Après une bonne nuit de sommeil, nous nous équipons et, avec enthousiasme, partons à pied à la découverte de la ville.
La petite capitale européenne est une magicienne. Le rouge du soleil couchant sur le château São Jorge, le jaune des tramways (photo)et le bleu du Tage confèrent à Lisbonne une atmosphère colorée qui s’est dévoilée à nous au fur et à mesure de nos déambulations à travers les vieux quartiers. Lisbonne n'a pas la prétention ni l'exubérance des grandes métropoles : Lisbonne est simple, belle, idéale pour une escale toute en couleurs. Il faut se perdre dans les vieux quartiers, monter et descendre ses sept collines pour l'apprécier et y découvrir une incroyable chaleur humaine. C’est ce que nous avons fait du12 au 20 juillet. Huit petites journées pour arpenter ses ruelles et apprécier le charme des petits parcs idéalement répartis où les gens se reposent et se rencontrent. Nous visiterons également des musées (celui de la marine, celui du Fado et l’impressionnant Calouste Gulbenkian). Nous flânerons aussi dans lescentres commerciaux débordant d’activités et nous nous émerveillerons en rendant visite au couple de loutres de mer (des « Otter ») (photo) qui sont les vedettes du magnifique aquarium du Pavillon des Océans.
Signalons au passage que la marina de l’expo est toujours fermée suite aux dégâts occasionnés par les coups de vents de l’hiver 2000/2001.
Le vendredi soir, judicieusement conseillés par la préposée à la billetterie du musée du Fado, questionnée pour éviter les pièges à touristes, nous passerons une soirée inoubliable à l’Esquina de Alfama (4, rua de S. Pedro – 21 887 05 90 pour les réservation). Nous étions pour ainsi dire les seuls étrangers dans le restaurant. Tous les autres convives étaient des lisboètes, hauts en couleurs, venant se retremper dans leurs racines pour fêter la fin de la semaine. (photo) À tour de rôle et à l’invitation du maître de maison, différents chanteurs, hommes et femmes, accompagnés de deux guitaristes, se sont succédés au micro pour notre plus grand ravissement. Nos deux ados ont adoré et l’ont manifesté par un enthousiasme sans retenue. L’ambiance était chaleureuse ; le rire et la nostalgie se confondaient en plaisir de partager un bon moment de détente collective. Avec l’accueil inoubliable que nous avons ressenti, cette soirée fut le point d’orgue de notre séjour à Lisbonne.
Respectueux du souci de ne pas dégoûter nos jeunes de notre passion pour la croisière et compte tenu de la possibilité, quand on s’y prend à temps, d’obtenir des billets d’avion bon marché, nos enfants nous quittent pour aller prendre leur bain annuel de camaraderie avec leurs amis de Pénerf [2]. Mes beaux-parents les prennent en charge jusqu’à notre retour.
Nous quittons donc Lisbonne en amoureux, espérant profiter de l’accalmie nocturne pour la remontée vers le N. A l’embouchure du Tage, un gigantesque porte-avion américain nous oblige à prendre un large tour. (photo) Des navires escorteurs veillent à tenir les curieux à distance. Un ferry local est en approche du géant pour prendre en charge la bordée de terre pendant que nous poursuivons notre route vers l’O-N-O au près bon plein. Nous laissons Cascais sur tribord, arrondissons le Cabo Raso et le Cabo de Roca et faisons route vers les Iles Berlenga. Une brume opaque s’installe et ne nous quittera plus jusqu’au lever du jour. Installé pour mon quart devant le radar, je surveille la progression de l’Otter II qui court sous grand voile arisée et appuyé par le moteur à 20° du vent apparent. Nous filons 5 nœuds sur une mer relativement calme. Un écho se dirigeant sur nous à grande vitesse attire mon attention. Je le capture sur le mini ARPA qui équipe notre radar. Sa vitesse est de 20 nœuds et son cap nous prévoit une rencontre (CPU) dans moins de 5 minutes. J’abats de 20° et réduit ma vitesse. L’écho modifie aussi sa route et poursuit son approche. Je sors dans le cockpit mais redescends très vite. La visibilité est trop réduite : notre puissant phare éclaire à peine jusqu’au beaupré. Le stress s’installe. Je réveille Marjo, augmente le son de la VHF et réduit encore notre vitesse à 3 noeuds. L’écho n’est plus qu’à 1/2 mile et nous ne l’avons toujours pas, comme le disent les militaires, « en visuel » ! Je reste maintenant derrière la barre, le cœur battant car j’entends maintenant distinctement le bruit d’un moteur. Soudain, par l’avant du travers bâbord, j’aperçois une silhouette qui émerge de la boucaille. C'est une vedette rapide qui, virant soudain de bord, se place à notre hauteur et nous éblouit de son puissant projecteur. Toujours rien à la VHF. La vedette ralentit, vient sur notre arrière puis sur notre arrière Tribord, son projecteur poursuivant son travail d’inspection. Je commence à m'énerver, saisis mon phare et leur balance aussi « la sauce » en montrant de la main gauche placée devant mes yeux qu’être ainsi agressé de lumière ne relève pas spécialement des bonnes manières. Leur projecteur s’éteint aussitôt ce qui me permet d’identifier mon agresseur : police maritime ! Aussitôt, la VHF nous envoie : « Otter two, Otter two, Otter two, this is the coast guards. Do you hear me ? » Je vous passe la suite qui consistera en une cordiale vérification d’identité de routine sans visite à bord. La conversation s’écartant quelque peu de la procédure normale, je compris qu’une fois de plus, l’interlocuteur de Marjo était tombé sous son charme. Que ce soit en mer ou à terre, Nil novi sub sole… D’un autre côté, mon soulagement était réel car, une fois de plus, cette situation m’avait fait prendre conscience de notre vulnérabilité !
L’île Berlenga nous a déçus. Bien qu’un labyrinthe de grottes et tunnels (photo) soit une curiosité à y visiter, l’île est le territoire des goélands. J’ai tendance à dire : « Rien qu’aux goélands ! » L’endroit dégouline de fiente. Toute l’île en est recouverte ainsi que les toiles de tentes des « malheureux » campeurs qui semblent pourtant s’en accommoder. Déclarée « Réserve naturelle », l’accès y est interdit aux chiens qui se voient refoulés à bord. J’ai supposé que cette mesure était destinée à les protéger des bombardements des volatiles qui sont tellement nombreux qu’à certains endroits, même lorsque nous étions dans l’annexe, il pleuvait du guano ! Dans ces conditions, on se demande combien de temps encore la promiscuité hommes/oiseaux sera encore possible. Quant aux macareux, moines et cormorans, mentionnés dans les instructions nautiques, j’ai eu l’impression qu’ils s’étaient déjà fait à l’idée que ce territoire n’était plus pour eux. Ils brillaient en effet par leur absence !
Antépénultième étape : Nazaré. Dans ce petit port bien protégé et accessible par tous les temps, nous nous sommes attardés deux jours tant les rencontres y furent agréables. Il y a tout d’abord Mike, le capitaine du port, natif de l’île de Mann (c’est-à-dire ni Anglais, ni Irlandais ! Attention aux susceptibilités…) et sa femme ; ce sont des personnes exquises, dévouées et attentives aux moindres besoins des visiteurs. L’accueil est exceptionnel.
C’est dans leur bureau que j’ai pu lire que les adeptes du pavillon européen avec encart national risquaient une amende dont j’ai oublié le montant. Je savais cet usage non réglementaire mais ignorais qu’une sanction était prévue pour les contrevenants ! Au Portugal, c’est écrit noir sur blanc dans les capitaineries. Qu’on se le dise…
On y rencontre également l’incontournable Luis Estrelinha Guincho (photo) qui se vante de vous vendre absolument tout ce dont vous avez besoin ! Et il le prouve… en français, s’il vous plaît. Adorablement authentique, fils de pêcheur, il sait que dans son magasin, même sans jamais prendre de vacances, il est mieux qu’en mer comme son père dont il a connu la souffrance. Cette vie dure des pêcheurs est encore présente dans ce village devenu une cité balnéaire très fréquentée. Des poissons délicieux sèchent encore sur la plage, vendus par ces femmes de pêcheurs (photo) que l’on dit porter encore sept jupons ! Encore une fois ici, deux mondes, deux époques qui se mélangent pour exciter notre curiosité. Nous nous y serions encore bien attardés tant la tentation était forte de nous évader à la découverte des nombreux sites les plus intéressants du Portugal comme Fatima , Alcobaça, Caldas da Rainha, entre autres curiosités recommandées par le guide Imray. Une dépression inespérée de S-O en décidera autrement. C’est une occasion vraiment rare. On va donc en profiter. Stimulé par l’équipage du « AMUITZ » dont le skipper José AROCENA est un champion de la météorologie embarquée, nous prenons congé de notre petit monde si sympathique (photo Ójosé Arocena) et mettons le cap, au portant, vers Leixoes d’où nous comptons visiter Porto, dernière escale prévue de notre croisière. Faisant route sous spi, je me surprends à envisager de profiter de ces conditions exceptionnelles pour reporter notre visite à Porto à une autre fois et retraverser le Golfe dans la foulée. La déception lue sur le visage de ma femme à cette seule idée d’écourter notre croisière à deux suffit à balayer cette idée de ma tête de capitaine prévoyant. « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » est un proverbe qui, nous l’apprendrons à nos dépens, s’applique également en mer.
Nous visitons donc Porto (photos) au départ de Leixoes, ce qui est une bonne solution tant les transports en commun s’y prêtent merveilleusement bien. Mis à part notre visite d’une des caves et, pour nous y rendre, le passage du Douro à pied sur le superbe pont Dom Luis 1er (dû au talent d’un élève d’Eiffel), peu de choses nous y ont retenus. Le port de Leixoes, certes actuellement gratuit car privé d’eau et d’électricité depuis un incendie survenu l’an passé, accueillait les voiliers de passage mais exprimait un petit air de désolation assez peu engageant. De plus, le vent dépressionnaire avait forci au cours de la deuxième nuit et l’envie d’en profiter pour nous échapper vers le N fut, même si elle n’était plus exprimée, encore présente !
Les amarres sont larguées sans regret et, le vent étant calmé, nous remontons sous spi vers le N. Pendant la nuit qui précède notre arrivée à notre dernière étape prévue avant la grande traversée, le vent tombe. On rentre le spi et c’est au moteur qu’au petit matin, nous embouquons l’une des plus belles rias de Galice, la ria de Camarinas.(photo) Nous sommes le 30 juillet et nous avons laissé passé notre chance… Le lendemain, le vent du N reprendra ses droits !
À Camarinas, nous nous reposons jusqu’au 6 août, attendant en vain une bonne fenêtre météo. L’anticyclone des Açores pousse vers le N et envoie des vents de N-E sur tout le Golfe de Gascogne.
Nous attendons également que des nouvelles batteries viennent de La Corogne où un électricien de marine local nous les a commandées. Les nôtres sont en bout de course. Elles ne tiennent plus la charge et nous avons décidé de les remplacer. Fort heureusement d’ailleurs car la suite de notre voyage va mettre notre pilote à rude épreuve !
Attendus à Pénerf pour le vendredi 12 août au plus tard et la météo, bien que non favorable à notre traversée, n’annonçant pas de coup de vent, nous larguons les amarres. Nous sortons de la ria par un vent soutenu de N. On file 7/8 nœuds. Ce sont les derniers moments de bonheur. Dès la sortie de la ria, le vent forcit et ne descendra plus sous les 20 nœuds jusqu’à Belle-Ile. La houle d’ouest nous cueille, croisée par les vagues levées par le nordet. Nous remontons le vent à 50°. La bagarre commence. Cette allure de près, inconfortable, nous chahutera pendant 5 jours et demi, ne nous laissant aucun répit. L’Otter II, Marjo et moi allons prendre une leçon de patience et de persévérance, Ondine se limitant à nous adresser des regards qui en disaient long sur son envie de revoir un carré d’herbes. Les creux s’amplifieront et le vent poussera des pointes à plus de 30 nœuds, nous forçant à remonter jusqu’à la latitude d’Ouessant avant de replonger bâbord amures sur Belle-Ile. À 19 heures, le mercredi 10 août, nous apercevons le Pignon balisant l’entrée de la rivière de Pénerf. Le vent est tombé et nous sommes au moteur. Depuis Les Cardinaux, nous remettons de l’ordre dans le bateau, enfin à l’horizontale et répondons aux messages téléphoniques qui nous proviennent de tous ceux qui s’inquiétaient de notre trop long silence. Sur le journal de bord, en guise de point final à notre croisière, j’ai écrit : « Merci Neptune, on a compris la leçon ! » Je pense que c’est à travers ces inoubliables moments que s’aiguise le sens marin…
Après quelques jours à terre, la chaleur de l’accueil de nos enfants, de nos parents et amis estompent ces mauvais souvenirs. Nous nous rendons compte que ces 5 jours et demi de galère sont déjà presque oubliés et réalisons que, pendant cette éprouvante remontée du Golfe, jamais nous n’avons eu peur. Notre Hans Christian s’est montré à la hauteur de la tâche que nous lui imposions. Il a lutté bravement et nous a ramené au port, sains et saufs, nous permettant de lui conserver notre confiance pour nos vagabondages à venir…
14:09 Écrit par Otter2 dans Journal de bord, Rapport de terre/mer | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
29 février 2012
Rapport de terre/mer (Ecrit le 29 février 2012)
Depuis notre atterrissage en baie de Fort-de-France survolés par l'avion de notre fille Manon qui venait nous retrouver pour 14 jours de tendres retrouvailles, le temps a passé si vite ! Moi qui pensait que la retraite allait ralentir le cours de notre vie, je m'étais trompé. D'abord, notre Manon s'en est allée vers sa vie d'étudiante en Belgique à peine avions-nous eu avec elle le plaisir de découvrir en voiture de location les merveilles de cette île si attachante qu'est la Martinique. Après son départ qui a laissé un grand vide dans nos cœurs d'exilés volontaires, nous nous sommes comme on dit posés. Il faut dire que depuis Lanzarote et même plus précisément Madère, deux rencontres importantes ont marqué notre voyage. Tout d'abord, à Quinta de Lorde (Madère), Manon qui avait effectué la traversée avec nous depuis La Roche-Bernard nous a fait rencontrer un couple de circumnavigateurs naviguant à bord d'un OVNI 395 Pro's Per Aim : Guy et Isabelle qui, après 6 ans d'un tour du monde haut en péripéties (voir leur site : http://www.prosperaim.fr/index.html), avait décidé de remettre ça. Ils ont donc tourné à gauche en passant Gibraltar plutôt qu'à droite pour retrouver la grisaille du Nord. Nous avons sympathisé et, depuis lors, nos sillages se sont à peine éloignés de quelques centaines de milles ! Nous nous sommes retrouvés à la marina Rubicon à Lanzarote puis Pro's Per Aim a traversé deux jours derrière nous et nous étions à Ste Anne en Martinique pour les accueillir le 27 janvier. Un autre couple aussi sympathique mais si différent a croisé notre route à Lanzarote. Stéphane et Ann de SAS³ (voir également leur site :
http://sas3intheworld.wordpress.com). Nous avons fait connaissance et avons bien-sûr partagé plusieurs soirées successivement à bord des trois bateaux. Certes d'autres amis de rencontres se sont joints à nous où nous ont invités à leur bord mais la relation en est restée là. Nous échangeons encore des nouvelles de temps en temps. Certains sont au Cap Vert, d'autres au Brésil, d'autres encore sont aux Caraïbes comme nous mais s'en sont allés vers d'autres mouillages. C'est, je crois, la fréquentation quasi quotidienne de la piscine de Rubicon qui nous a réuni et qui a soudé le trio que Stéphane a comparé aux trois mousquetaires ! Tout différents que nous sommes, nous partageons les même passions : la voile bien entendu mais aussi la plongée sous-marine et un tas de petits trucs rassembleurs : la liberté sur l'eau, le respect de l'indépendance de chacun, les ti-punch, les bons petits plats, la curiosité, le plaisir de la découverte (bien que Stéphane préfère redécouvrir ce qu'il connaît déjà... Question de confort, dit-il!...). Bref, aujourd'hui, 27 février, nous sommes encore amarrés à quelques encablures l'un de l'autre et vous comprendrez donc qu'il aurait été malaisé pour moi de ne pas vous les présenter tant nos sillages se croisent et se recroisent sans cesser de nous réjouir. Je reviendrai peut-être sur la richesse de cette relation...
Après nous être donc posés, nous sommes allés mouiller notre ancre au Marin afin de nous rapprocher des services techniques. Il fallait raccorder notre nouveau GPS Furuno GP32 ce qui est maintenant fait, et inviter un mécano à venir à bord pour parfaire les réglages de notre moteur dont l'émission de fumée blanche nous tracasse encore. A l'heure où j'écris ce rapport, la solution n'a pas encore été trouvée et cela va peut-être nous retarder une fois de plus dans nos projets de découvertes. Les tête d'injecteurs n'auraient pas été remplacées et sont donc en commande ! Je me demande quand Yann va définitivement se faire oublier !...
Depuis le passage à bord du mécano qui nous a donné le feu vert pour naviguer, la fumée blanche n'étant pas dangereuse pour la sécurité du moteur, nous sommes allés à Ste Lucie, une trentaine de milles au Sud de la Martinique. Une belle navigation de conserve avec SAS³ qui a pris de magnifiques photos de l'Otter II sous voiles. Nous avons fait de même et avons bien entendu échangé nos documents pour notre plus grand plaisir réciproque. A Ste Lucie, nous avons atterri à Rodney Bay où nous avons fait ce que l'on appelle ici notre « clearance ». Cette formalité doit être réalisée impérativement à chaque sortie et à chaque entrée d'une île de « nationalité » différente. Revenus à la Martinique, nous avons changé de mouillage, préférant la baie de Ste Anne au Marin pour la qualité de la tenue des ancres.
Tout ce début du mois de février a été marqué par le son des tambours. Pendant la journée mais aussi tard dans la nuit ! Le carnaval se préparait avec un enthousiasme qui laissait beaucoup de participants baillant aux corneilles pendant la journée (question manque de sommeil!). Lundi passé, le 20 février, toutes les associations carnavalesques se sont retrouvées au Marin pour un défilé haut en sons et couleurs. Les tambours, résistant à la fatigue des dernières répétitions, ont repris force et vigueur et, petits et grands martiniquais ont dansé dans les rues. C'était magnifique ! Nous étions revenus au bateau depuis longtemps que cela tambourinait et dansait encore jusqu'au petit matin... Quelques jours après, l'indolence que nous avions crue habituelle chez les autochtones avait disparu. Le sourire plus spontané et la joie de vivre était de nouveau sur tous les visages.
Nous avons également navigué jusqu'aux Anses d'Arlet où l'eau est particulièrement cristalline et où nous avons effectué deux magnifiques plongées sous la direction de Stéphane, moniteur fédéral LIFRAS. Il nous encadre en vrai professionnel et me libère de la direction de palanquée. J'a-do-re !. Notre compresseur d'air a donc été mis à contribution et nous a permis d'effectuer la deuxième plongée en parfaite autonomie. Il est vrai que ce compresseur est très lourd et encombre notre coffre mais quel confort de pouvoir regonfler immédiatement sans dépendre de centres de gonflage qui profitent souvent de la situation pour pratiquer des prix prohibitifs.
En ce qui concerne nos projets, ils dépendent donc actuellement essentiellement du moteur. Après, nous remonterons jusque la Dominique et la Guadeloupe après quoi nous continuerons notre montée vers le N : Antigua et Barbuda, ensuite St Martin. Après cela, nous plongerons vers le SO pour rallier les îles ABC (Arruba, Bonaire et Curaçao). C'est à Curaçao que nous laisserons l'Otter II pour revenir au pays début juin. Les réservations sont faites.
Les raisons de ce choix reposent sur le désir que nous avons de découvrir les Antilles en prenant notre temps. Nous nous rendons compte que chacune des îles abordées possède sa personnalité et vaut la peine de s'y arrêter. Nous sommes toujours accueillis avec ce magnifique sourire qui sied si bien aux habitants de ces îles sucrées. Quand nous reviendrons en septembre, nous envisageons de redescendre l'Arc antillais en commençant par Cuba. Nous retarderons donc d'une année le passage de Panama vers le Pacifique. Voilà pour nos projets qui peuvent encore bien entendu changer ! Nous vivons au présent et profitons de la mer, du soleil et de nous deux qui continuons à former le dream team. La preuve (voir photo) !
Quant aux autres moments... on bosse : confection d'un récupérateur d'eau de pluie (voir photo), nettoyage de la coque, lecture, rédaction de courriels, etc...
Ou on découvre d'autres plats, d'autres saveurs : Féroce d'avocats, accras, colombo, sauce chien, christophines, caramboles, igname, arbre à pain, chatrou, poulet boucané,...
On se promène (petites promenades de 15 km!)...
On nage (l'eau a toujours 26°)
On copine,...et on se repose... (A suivre)
14:07 Écrit par Otter2 dans Journal de bord, Rapport de terre/mer | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
Décembre 2011
Lettre aux parents et Amis : décembre 2011 quelque part le long de la côte de Lanzarote.
Il est 19h45 et nous faisons route au moteur vers Playa Blanca après être passés à Arrecife pour faire régler Yann qui émet depuis le début de sa convalescence, une fumée noire des suies qu'il rejette, l'air de nous dire : « et quoi ? c'est comme cela que l'on me traite ! juste un nettoyage et même pas de réglage... » Il fait ici nuit noire et la lune est levée. Elle montre juste un petit croissant qui porte bien son nom car elle ment toujours et forme un futur beau D. Les lumières de Lanzarote inondent la côte qui scintille de tous ses feux et les avions continuent leur manège incessant amenant sur l'île le flot de touristes qui font vivre cette communauté canariote que nous avons appris á mieux connaître, tout contraints que nous étions à patienter ici en attendant la réparation de notre moteur. Plus de deux mois passés sur place. Plus de temps que nous n'ayons jamais passé si loin de chez nous. Suffisamment de temps pour mieux apprécier l'endroit extraordinaire que nous aurions vraisemblablement survolé sans nos ennuis mécaniques. Le temps aussi pour Marjo de progresser en espagnol et moi d'en apprendre les quelques rudiments nécessaire à me rendre sympathique ! Le temps de percevoir les variations de couleurs des montagnes volcaniques si dénudées au premier regard et combien changeantes selon le moment de la journée avec les temps forts du petit matin et du soir où la lumière rasante fait merveille avec le relief raviné des pentes volcaniques. Le bateau avance toutes voiles rangées sur une mer presque d'huile. Il fait un peu "frisquet" comme on dit chez nous en été lorsqu'il est temps de passer un chandail. L'Alizé est toujours présent mais plus froid la nuit. J'ai enfilé ma tenue de navigation dans laquelle je me sens si bien depuis maintenant presque 15 ans que je l'ai achetée pour les quarts de nuit sans rosée ou pluie. Je veille. La nuit est vraiment noire, la lune n'étant encore qu'une promesse lumineuse. Le bateau fait route sous pilote et je varie son régime tous les quart d'heure environ car Marjo contrôle avec une minuterie ! Ce sont les consignes de rodage après revalidation et... les consignes sont les consignes !
A la veille de passer le nouvel an loin de mes enfants, parents et amis, je me repose la question de savoir si nous avons eu raison, Marjo et moi, de choisir cette option de vie et je me rends compte que le bilan actuel, malgré toutes les viscissitudes mécaniques qui nous ont retardés, est tout á fait positif. Je me sens bien ici. Je me sens rajeunir jour après jour avec la quasi disparition de mes problèmes articulaires et j'ai presque et encore oublié mon ancien métier. J'en apprends un nouveau qui me demande de trouver des solutions au quotidien et je crois que lorsque nous aurons voyagé jusqu'à aspirer au retour, c'est beaucoup plus qu'un diplôme universitaire que nous aurons engrangé en connaissances diverses, tant humaines, que techniques, que scientifiques, que culinaires, que...
Dès que le rodage sera achevé (50 heures dont 15 ont déjà été réalisées), nous nous élancerons dans la traversée que tant d'autres ont déjà réalisée donc peu propice à être qualifiée d'exploit. Pour nous, ce sera simplement l'occasion de vérifier que nous sommes bien en mer, nous deux et notre bateau, en route. Etre en route, c'est ce que je souhaite pouvoir vivre encore et encore jusqu'à ce que les années passant, je ressente que la force de continuer sera tarie. Je me poserai alors là où je serai arrivé, peut-être revenu au bercail, dans notre vieille maison qui ne veut pas se vendre et que nous aurons gardée, la confiant à des locataires qui l'auront, je l'espère, méritée...
La lune se couche, berceau de lumière posé sur l'horizon... La nuit sera encore plus sombre, encore plus mystérieuse. Je suis pourtant détendu, heureux d'être là. Marjo, dans sa couchette, dort. La vie est belle et je suis heureux !
Tiens ! Sur bâbord avant, un sapin de Noël : un love boat tout illuminé qui emmène ses passagers vers d'autres îles de l'archipel. Un bâtiment immense, une tache de lumière sur l'océan !
Voilà ce que j'ai eu envie de vous écrire á vous tous mes amis et parents qui me manquez mais que je n'ai malheureusement pas pu emmener avec nous. Vous á qui je souhaite tant de pouvoir un jour ainsi que je le fais, vivre un rêve, un rêve qui sera le vôtre et qui sera peut-être la concrétisation de cet esprit d'aventure qui caractérise tout homme sincère à la recherche de la vérité, de sa vérité. Que ce soit au cours de voyages, lors de prises de paroles, lors de travaux à réaliser, de livres á écrire, de bonnes oeuvres à mettre en place, de recherches à organiser,...chacun de vous peut courir à perdre haleine après cette inaccessible étoile. C'est ce que je vous souhaite à tous.
Bon, je jette un coup d'oeil vers la proue de l'Otter et m'aperçois que la nuit est vraiment très noire maintenant. Je n'y vois plus goutte et la surveillance radar s'impose. Je suis près de la côte et ne voudrais pas couler un pêcheur attardé parce que je vous écris une bafouille. Il est 21h30 et nous serons bientôt revenus à la marina Rubicon où nous mouillerons pour y passer le reste la nuit.
Prenez bien soin de vous!
Jean
14:05 Écrit par Otter2 dans Journal de bord, Rapport de terre/mer | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |