29/03/2019
Au mouillage de Hanaho
Au mouillage de Anaho
Nous sommes ancrés dans la baie de Anaho depuis quatre jours. Le mouillage est vraiment bien protégé tant de l’alizé que de la houle. Sa surface est telle que les montagnes côtières laissent un bon angle d’entrée au soleil, ce qui fait l'affaire de nos panneaux solaires qui peuvent travailler plus tard le soir et plus tôt le matin. L’endroit est paradisiaque et les habitants vraiment accueillants. De plus, il y a de l’eau non seulement potable mais délicieuse qui vient directement de la montagne.
Lorsque de telles conditions sont réunies, on joue les prolongations ce qui nous permet d’entrer en contact avec les habitants. Tout d’abord, le « restaurant » qui est à ciel ouvert, en bord de plage et meublé de quelques tables et chaises en plastique. La cuisine est réalisée au sein de l’habitation érigée en retrait à seulement quelques mètres du « restaurant ». Au menu le premier jour, carpaccio de thon et moi qui préfère le poisson cuit, j’ai eu droit sans supplément à un service spécial et me suis délecté. Les accompagnements sont toujours un peu les mêmes : uru, manioc, riz. Un vrai régal ce thon rouge !
Alors qu’avant hier, nous nous étions épuisés à trouver l’endroit, derrière un col, où l’on nous avait renseigné la présence d’un maraîcher, nous avons remis ça hier en escaladant un autre col séparant Anaho de Hatiheu. Une heure et demie d’une marche d’autant plus épuisante que nous manquons d’entraînement. Il faut dire que ça grimpe fort ! Mais bon, au sommet du col, quelle belle récompense que ce panorama surplombant plusieurs vallées découpées sur l’océan. A Hatiheu, nous sommes accueillis par la mairesse Yvonne, merveilleuse octogénaire parée d’une magnifique robe rouge à fleurs blanches. Quelle dignité chez cette femme visionnaire qui a compris depuis longtemps déjà que ce qui a été ne le sera jamais plus ! Elle a, il y a quelques années - c’était en 82 -, pris les enfants du village en otage pour nettoyer tous les excès de leurs parents. Avec la complicité de l’institutrice, son slogan : « Les parents jettent, les enfants ramassent ! ». C’est ainsi que, petit à petit, elle a pu changer les mentalités et que son village est devenu un exemple de propreté. Ici, on trie les bouteilles... ce qui est pris est pris. Il est loin maintenant le temps où l’on trouvait des lessiveuses et autres électroménagers vétustes jetés dans les rivières pour se retrouver sur les plages !!! Yvonne peut être fière d’elle. Avec un charme fou, cette femme de tête nous parle de son combat pour refuser la construction d’une route qui aurait permis l’accueil d’un hôtel de 300 chambres dans son île. Elle a compris que cela n’aurait rien rapporté à ses administrés au contraire. Elle poursuit donc la résistance mais ne peut guère compter sur une relève active. Les jeunes ne sont pas intéressés. Un certain désenchantement émerge de son propos. L’internet arrive et pervertit le rêve d’avenir de la jeunesse. La rencontre d’Yvonne fait partie de celles qui comptent dans une vie.
Aussi celle de Ra Hi hé, Jean, Raymond et Eric qui sont là, arrêtés à mi-chemin en train de papoter pour récupérer et laisser leur cheval chargé de courses faire de même. Ici, tout le monde possède un cheval qui sert de transport d’une vallée à l’autre. Il n’y a que très peu d’autos (presque toutes des 4x4). Marjo en profite chaque fois que l’occasion se présente pour faire connaissance et sympathiser en s’intéressant à ce que les gens font. C’est ainsi que l’on apprend que Ra-hi-é fabrique du tamanou (c’est une sorte de crème cosmétique à base de coco et amandes de tamanou qui permet, entre autres, de lutter contre le vieillissement de la peau) dont elle partage le secret avec Marjo. Celle-ci n’a pas sa pareille pour construire une complicité magique avec les Marquisiennes. Raymond, attendri par le spectacle de cette complicité naissante, offre à Marjo un flacon d’huile de monoï qu’elle n’acceptera qu’après plusieurs refus car ces gens n’ont que la nature comme richesse mais le partage est dans leur culture. Il insiste de bon coeur. Ra-hi-hé est la plus jeune des trois. Elle a 32 ans. Les hommes sont plus âgés. Elle est accompagnée d’un chien très gentil (les chiens marquisiens doivent être gentils sans quoi ils se font corriger) et d’un cochonnet sauvage d’à peine un mois qu’elle apprivoise. Elle est aux petits soins pour lui qui a aussi droit à se faire oindre de tamanou pour qu’il ait un poil bien brillant !!! Ses commentaires sont ponctués de rires cristallins...
Et ça papote, et ça papote. Après 10 minutes de discussion, on connaît toute la famille. Ils sont tous plus ou moins cousins et Marjo retient tous les prénoms. Moi, je dois dire que je suis un peu largué.
Hier, journée de repos. Marjo décide d’aller nager. A contrario des autres navigateurs qui se baignent autour de leur voilier, nous nous rendons sur la plage où des femmes se baignent en famille avec des petits enfants. Les hommes se baignent à l’écart et discutent en marquisien. Alors que je reste assis à l’ombre de la cocoteraie à les observer, Marjo les rejoint et fait connaissance. La glace est très vite rompue si bien qu’elle m’invite à les rejoindre. L’eau est chaude et claire sur un fond de sable blanc. 28°C ! Quelques petits requins à pointe noire sont venus partager la baignade. Le soleil tape très fort et je me félicite de ne jamais quitter mon t-shirt ni mon chapeau. Des ados nous rejoignent et j’en profite pour leur apprendre la godille de la nage synchronisée. Il s’y essaient en rigolant mais ce sont de vrais poissons et ils y arrivent assez rapidement. C’est alors qu’en blaguant, la dame m’envoie retrouver les hommes en disant ainsi qu’aux gamins que mes conseils intéressaient : « les hommes avec les hommes, les femmes avec les femmes ! ». Je me joins donc à eux dont le plus jeune baigne ses chevaux. Il les emmène jusqu’à ce que l’eau leur arrive au poitrail et les frictionne en les aspergeant. Les chevaux semblent vraiment apprécier si bien que l’un d’eux se met à crottiner sous l’hilarité générale ! Les hommes parlent chasse et pêche et nous partageons nos histoires personnelles. Ils s’intéressent beaucoup aux armes qui sont utilisées en Belgique et moi j’apprends qu’ils utilisent aussi des armes de poing pour chasser la chèvre dans les grottes... Et ça discute, et ça plaisante, et ça rit... Pour moi, ces moments me rappellent « Oh temps suspends ton vol... » Encore un ajout à tous ces moments que personne ne pourra jamais nous reprendre !
Et je sais que d’autres nous attendent encore...
23:14 Écrit par Otter2 dans Journal de bord, Rapport de terre/mer | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
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