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20/05/2018

Piégés en Ecuador

Alors que hier soir, Marjo s’était renseignée auprès du vieux réceptionniste sur le prix d’un taxi pour nous emmener le lendemain à Cotopaxi (prix annoncé 5 dollars), ce matin, nous demandons au jeune réceptionniste - le vieux ayant terminé son service - d’appeler un taxi. Il s’exécute mais dans sa demande nous comprenons qu’il précise que c’est pour deux touristes ! Le taxi arrive et, comme à son habitude, Marjo demande : « Quando por Cotopaxi ? ». Et voilà que le prix avait triplé ! Marjo négocie mais le chauffeur est intraitable. Pas de pitié pour les gringos ! Ok, puisque c’est ainsi, emmenez-nous au terminal de bus de Latacunga. Nous y arrivons alors que le bus pour Cotopaxi est sur le départ. Pas le temps de passer à la billetterie, nous montons à bord confortés par le convoyeur du bus qui nous dit qu’il n’y a aucun problème à acheter les billets en cours de trajet. Nos gros sacs dans la soute à bagages, nous voilà rassurés et profitons du paysage jusqu’à ce que le convoyeur vienne pour recevoir le prix de la course. Il annonce 4,30 dollars à savoir le prix du trajet jusque Quito  alors que Cotopaxi n’est qu’au tiers de la distance jusqu’au terminus ! Gentiment, Marjo le lui fait remarquer... Elle lui montre en plus sur un ticket le prix officiel pour une distance similaire ce qui le décide à avouer - sans trop le dire mais en nous remboursant un malheureux dollar - qu’il avait essayé de nous escroquer ! Quoique, parce que pour des gringos... Bref, bien que nous lui avions demandé de nous avertir de l’endroit où nous devions descendre pour Cotopaxi, il n’en fit rien et, soupçonnant un mauvais tour de sa part, Marjo se renseigne auprès d’une autochtone qui avait l’air sympa de nous signaler l’endroit où nous devions descendre, ce qu’elle fit de façon fort aimable. C’est ainsi que, à notre demande, le conducteur de bus nous dépose, le convoyeur nous file nos sacs puis, nous laisse ainsi sur le bord de la route, c’est-à-dire sur le bord de nulle part ! Trop tard pour le rattraper, je remarque au détour de sa remontée dans le bus qu’il arbore un sourire qui en dit long sur le mauvais coup qu’il  nous a joué en répression de notre réticence à nous laisser plumer comme des pigeons ! En fait de pigeons, nous faisions la paire ! 

Inspectant la cartographie de nos iPads, nous hésitions... mais devant l’impossibilité de nous renseigner, E9846483-41B5-44AE-9CC5-4B6DAA958D3B.jpegnous nous mîmes en route vers la réserve naturelle qu’annonçait le panneau indicateur du bord de nulle part où nous avions été déposés. Après quelques minutes de marche où l’altitude me fit prendre sans tarder la cadence montagnard, je hélai Marjo qui filait déjà devant pour lui signifier que ma cadence montagnard était loin d’être la sienne ! Tout juste après cette mise au point, un bruit de moteur. je me retourne et mets spontanément le pouce en l’air. C’est fou comme le poids de deux sacs sur le dos rend intelligent ! Non mais, je rêve ! Voilà que la voiture -plutôt un pickup avec une benne arrière (une bétaillère, quoi !) - ralentit et s’arrête à notre hauteur. Un premier coup d’oeil à l’intérieur me décourage car l’habitacle s’avère complet... Ne perdant pas courage alors que Marjo s’adressait aux occupants pour se renseigner sur la pertinence de notre direction, je me déplace vers l’arrière et constate que la benne est occupée par huit jeunes gens et jeunes filles rigolards et leurs bagages. Manifestement ils ne s’ennuyaient pas ! Je le constatai en même temps que je réalisais que notre inattendu taxi était full. A peine le temps de la réflexion, Marjo se ramenait à l’arrière, lançait ses sacs aux jeunes qui l’aidèrent à monter à bord et m’invitèrent à la suivre. Incrédule mais n’écoutant que mon souhait de ne plus être à pied, je grimpai à mon tour pour m’entasser dans la benne, debout et agrippé aux ridelles. Dans les éclats de rires, nous entamons un parcours des plus surréalistes de rencontre avec ces sympathiques jeunes gens en partageant  leur inconfort. Les éclats de rires redoublant, ils nous firent remercier en pensée le convoyeur qui, par sa vilénie, avait permis à l’aventure de nous rattraper.058B0A22-2920-4098-8BEC-A8A7DCD4F0FF.jpeg

Arrivés à la destination de nos généreux et sympathiques sauveurs, une réserve naturelle qui n’était malheureusement pas celle où trônait l’hôtel que Marjo avait réservé, force a été de renégocier un transport vers celui-ci qui, grâce à la bonne volonté des rangers de l’endroit, nous permit d’être remis sur le bon chemin. Il n’y avait plus qu’à nous faire embarquer par un 4x4 pour parcourir les 20 derniers kilomètres jusqu’à la lodge qui nous attendait. Nous étions encore en avance...

17/05/2018

Le sel du voyage

2011-2018, sept années de vagabondage, de découvertes, de déconvenues, aussi. Comment pourrait-il en être autrement ? Certes, des retours au pays ont échelonné ce déjà long chemin qui me fit me rendre compte, cela m’est arrivé en observant dans un musée une carte du monde qui situait la culture Inca en rapport à la nôtre, de l’incroyable distance déjà parcourue depuis notre départ du joli port breton de La Roche-Bernard. Dire combien de milles navigués sous voile, le nombre de kilomètres de route parcourus, le nombre de miles volés lors de nos allers-retours, le nombre de personnes rencontrées avec lesquelles un lien a été construit, relève de l’impossible.  Laissant ma pensée courir devant cette carte de géographie qui n’était là que pour m’emmener à la rencontre de la prestigieuse préhistoire de l’Amérique du Sud, je fus saisi par la vertigineuse réalité de notre aventure. Prendre conscience de cette réalité a été rendu possible, je crois, par une promiscuité avec le tourisme de masse, incontournable pour visiter le Machu Pichu. La plupart du temps, nous traçons notre propre route faite de choix orientés autant par la météo que par les destinations ou encore des évènements fortuits qui viennent bouleverser notre projet initial. Mais nous avons le temps. Le temps qui passe est l’élément qui nous distancie principalement de la condition de touristes. Nous avons cet immense privilège qui se matérialise dans les propos recueillis au détour d’un chemin, d’une rencontre. On réalise que, dans le cas précis du Machu Picchu, les gens qui partagent la visite avec nous ont quitté Leur pays il y a parfois une soixantaine d’heures et qu’ils auront à peine le temps de se reposer quelques jours  avant de ressauter dans un avion pour le retour, le porte-feuille vide une fois leur temps de vacances achevé. 

En voyage, nous ne rencontrons pas que des retraités qui, comme nous, se distancient du tourisme de masse. Il y a aussi des jeunes, avec ou sans enfants, qui font une pause dans leur vie professionnelle qui les tue. Ils se déplacent en stop, en vélo, en moto. Il y en a même (notamment une jeune femme de nos connaissances) qui se déplace à cheval. Les plus chanceux ont un métier sac-à-dos. Ils peuvent ainsi s’extraire du système... Les autres sont débrouillards. Comme nous, tous donnent la préférence aux commerces locaux, aux airbnbs, aux tuk-tuks plutôt qu’aux taxis. Ils recherchent les restaurants authentiques. Plus il y a d’autochtones attablés, moins il y a de touristes, meilleur est le choix. On y gagne en authenticité. Une fois la glace rompue, des liens peuvent se tisser. Les jeunes enfants de ces couples aventureux découvrent très jeunes des cultures différentes, des langues qu’ils s’approprient sans retenue ; ils réalisent combien les conditions de vie diffèrent de ce qu’ils ont connu en Europe ou ailleurs... Deux exemples parmi tant d’autres me traversent l’esprit : un matin, pour nous rendre au marché, nous empruntons un de ces tuk-tuks qui sont des tricycles à moteur comportant une cabine - conduit par une jeune femme. Grimpant à bord avec nos sacs, nous découvrons à l’intérieur toute une famille qui accompagne Maman au travail. Un des trois doit encore être au sein. Il est couché aux pieds de la conductrice dans une sorte de couffin fait de toile multicolore tissée probablement par elle ou par une locale.  Les deux autres sont serrés contre leur mère sur le siège avant. Quelle leçon de vie ! Si la jeune femme a 20 ans, c’est beaucoup. Ici, pas de contraception et il faut faire avec... et gagner sa croute ! Impossible de ne pas lui régler cinq fois la course. Et impossible de vivre cette expérience en voyage organisé. 

L’autre exemple qui sera le clou de notre séjour au Pérou sera notre dernière nuit à Cuzco. Marjo avait réservé dans un airbnb, attirée par le fait que cette location faisait partie d’un atelier de tissage et comprenait une information sur les techniques traditionnelles de teinture et de filage de  cette laine incroyablement douce qu’est celle des alpagas. Accueillis avec chaleur par la jolie propriétaire et son beau-frère. Il apparaît de suite que c’est une affaire familiale. Dans la cour intérieure deux femelles et un mâle alpagas sont là libres de s’intéresser à nous. Ils se laissent approcher et caresser. Le ton est donné : accueil et authenticité. Cette cour n’est que couleurs. Des toitures basses pendent des fils de laine parsemées de pompons multicolores. La chambre qui nous est réservée se situe sous la toiture. Elle comporte une porte basse, vraiment très basse ! A voir l’épaisseur des couvertures il est clair que les nuits à cette altitude sont très froides. Il n’empêche, la fatigue du voyage aidant, nous y passerons une bonne nuit entrecoupées d’escapades nocturnes éclairées par la lampe de poche (accessoire indispensable à emporter en voyage), les « baños » étant situées au rez-de-chaussée et accessibles par un escalier extérieur accroché au mur de la maison. Authenticité écrivais-je. Celle-ci prit tout son sens au petit déjeuner compris dans la location. La propriétaire nous emmena dans une pièce assez sombre où un assemblage de grosses pierres noircies de fumée supportait une grosse soupière dans laquelle mijotait la soupe du jour que la patronne prépare pour le repas de midi des huit ouvrières travaillant quotidiennement dans l’atelier de tissage. Le feu brûlait sous la soupière et seul un vieux réchaud à gaz permit de chauffer l’eau indispensable à la préparation du thé. Un morceau de pain frais et de la confiture constituèrent notre petit déjeuner que nous avalâmes assis sur des tabourets avec l’impression de faire envie aux rares personnes dont un petit garçon qui partageaient avec nous l’occupation de cette pièce hors du temps. La fumée dégagée par le feu ne s’évacuait que par une ouverture pratiquée dans la toiture. Dire que la vie est dure pour ces pauvres gens est une réalité complètement ignorée des touristes qui achètent leur production bien loin de se douter des conditions de vie des artisans qui les produisent.

Bien d’autres exemples hors des sentiers battus pourraient encore illustrer ma réflexion à propos de l’esprit de découverte et de partage qui nous anime. C’est le sel du voyage que seule l’écriture me permet de partager...