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25/04/2018

En route vers l'Equateur

En route pour Ecuador en passant par l’équateur (avril 2018)

1.- Risque de feu à bord (Pour ceux que les informations techniques ennuient, passer de suite au point 2)
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Alors que nous étions sur le départ et qu’il ne restait pour le lendemain que les formalités administratives incontournables avant de quitter un pays, 22h45, nous dormions tout les deux. Aussi incroyable que cela paraisse, notre moteur s’est mis en marche tout seul !
Sautant hors de nos couchettes, dans un ensemble où la panique prenait toute sa place : «  Tu as mis le moteur en marche ? » Aussitôt, une odeur de Bakélite brûlé envahit le carré en provenance du compartiment moteur. L’idée d’un court-circuit se bouscule dans mon esprit encore ralenti par le sommeil profond dans lequel j’étais plongé. Premier réflexe stupide - les réflexes ne le sont-ils toujours pas ? - je plonge sur le tableau électrique et éteint tous les contacts. Alors que Marjo, qui tente sans succès d’arrêter le moteur au moyen de la commande électrique,  me hurle : « n’ouvre pas ! », j’ouvre le compartiment moteur et laisse entrer dans le cockpit un nuage de fumée toxique dont l’odeur confirme l’idée d’un court-circuit dans l’alimentation du moteur. Est-ce l’odeur de Bakélite qui rend intelligent ? Je ne saurais le dire. La seule chose que je peux affirmer est que je plonge alors sur les trois clés qui permettent de déconnecter nos batteries privant ainsi le court-circuit d’alimentation. Je ne vous cache pas que l’image de l’extincteur m’a traversé l’esprit, aussi ! ; presque aussitôt, alors que nous ouvrons tous les hublots pour aérer, la fumée se dissipe et me permet de chercher la source du court-circuit. Le moteur tourne toujours. Le bouton poussoir de fermeture du contact moteur ne répond toujours pas ! Marjo me rappelle que cela nous est déjà arrivé ! La pièce tombe et je recherche l’étouffoir dont chacun devrait connaître l’usage mais qui n’est pas trop souvent évoqué dans les cours MOTEURS. Ok, le moteur s’arrête ! Dans le silence retrouvé ainsi qu’un air plus respirable, nos esprits se mettent au travail, calmement, il n’y a plus d’urgence. Il n’y a plus de fumée, rien pour nous indiquer l’endroit du court-circuit. Etant le nez au-dessus de ce qui me semble le plus près de l’origine de la fumée, je demande à Marjo de renvoyer le jus ! Aussitôt dit , aussitôt fait, un grésillement se fait entendre et je crie à Marjo d’arrêter ! Les batteries sont aussitôt isolées et je retire du dessous du moteur, le fameux relais made in Yanmar, installé par un électricien aux Etats-Unis l’an passé et destiné à faciliter le démarrage qui, à l’époque, était devenu aléatoire et m’obligeait parfois à démarrer à la hussarde, avec un tournevis !!! Ce relais une fois installé, nous en étions totalement satisfait mais nous ne lui en demandions pas tant que mettre en marche sans en recevoir la commande effective !!!
Que s’est-il effectivement passé ?  Trouver une panne, c’est bien. Prévenir une panne, c’est mieux ! Le relais en question avait été installé sans isolation particulière (merci l’électricien) si bien que lors d’un entretien vraisemblablement (je pense au nettoyage du filtre du circuit de refroidissement à l’eau de mer), une goutte d’eau s’est glissée dans le relais et avec l’oxydation comme complice, a remplacé l’impulsion électrique initiée par la clé de contact lors d’une utilisation normale. Un vrai concours de malheureuses circonstances…
C’est bien beau tout ça ; encore faut-il retrouver un relais qui pourrait nous faire oublier ce désagréable incident. Et c’est là que le capitaine d’un sympathique équipage français rencontré la veille et à qui l’on raconte notre nocturne mésaventure, se propose de venir à notre bord évaluer les dégâts et voir si le relais dont j’ai besoin pour le remplacement du déficient fait partie des pièces de réserve qu’il garde à son bord. Ce capitaine, Eric de son prénom (j’apprendrai par la suite que son titre est plutôt Commandant en tant qu’amiral retraité de la marine nationale), a l’air d’en connaître un sacré brin en électricité, arrive à bord prétextant qu’il a toujours eu envie de visiter un Hans Christian, plonge dans le compartiment moteur et me dit que, dès que sa présence à son bord ne sera plus requise (il attend un frigoriste pour régler un problème avec son nouveau frigo qui refuse tout service ! Et oui c’est aussi cela la « plaisance » !), il viendra me solutionner mon problème. Il me conseille quand même de remplacer, par mesure de précaution, les quatre fils ayant subi le court-circuit. Le gaillard me semblant digne de confiance, je me mets au travail, délicat faut-il le dire, de remplacer ces câbles dont l’accessibilité est plus que douteuse ! Mais, j’ai ma fierté et, non seulement je veux y arriver tout seul mais surtout, je veux que l’intervention de mon sauveteur se limite aux seules connexions de son relais de rechange qu’il m’offre en cadeau.
En fin de journée, le travail de préparation terminé, Eric arrive en salopette de travail et constate avec bonheur que le gros du travail est fait et bien fait car le bougre examine chaque connexion avant de se saisir de son multimètre, repérer les fils en deux coups de cuiller à pot, effectuer les branchements et demander à Marjo de mettre le moteur en marche. Celui-ci démarrera au premier coup ! Me confondant en remerciements, Eric me félicitera en me disant qu’il n’a rien dû faire du tout puisque j’avais pour ainsi dire tout fait, et bien fait ! Quel charmant bonhomme ce Commandant ! Grâce à lui nous n’allions perdre qu’un seul jour des conditions météorologiques  idéales pour rejoindre l’Ecuador. (fin de l’épisode).

2.- La traversée :

Début d’après-midi, nous levons l’ancre et quittons le mouillage de la Plahita anchorage… Nous slalomons au moteur entre les nombreux navires à l’ancre en attente de passer le canal. Impressionnant tous ces énormes bâtiments dont nous avons respiré les retombées pendant tout notre séjour dans ce mouillage dont l’eau de surface charriait une sorte de suie vraisemblablement produite par ces énormes navires qui brûlent du fuel lourd et laissent leur moteur tourner pendant le temps d’attente. Je me demande dans quel état sont les poumons des gens qui travaillent ici ! A ce propos - et ceci pour rassurer certains qui estiment rencontrer des problèmes de mobilité dans leur travail - la majorité des gens qui bossent dans la City où les logements sont impayables, sont obligés de se loger à la périphérie les contraignant à des trajets leur demandant jusqu’à deux heures et demie le matin et la même chose le soir et cela dans une circulation d’une rare densité klaxonnante afin d’appliquer la seule règle de priorité qui consiste à sourire, klaxonner et se pousser là où l’on veut se diriger ! Un paradis fiscal bien éloigné d’un paradis tout court et qui n’a rien à envier à la trépidance newyorkaise !

Bref, nous nous sauvons de cet endroit mythique et prenons la mer. Après quelques milles parcourus le vent dans le nez et uniquement au moteur, le vent adonne et les voiles sont envoyées. Le vent du Nord annoncé est bien présent et c’est l’allure de grand largue qui est adoptée. Cap sur l’île de Malpelo que nous devons laisser sur bâbord pour éviter le courant de Humboldt qui court du sud vers le nord le long de la côte péruvienne jusqu’au Panama et qui, surtout lorsque le vent fait défaut, s’oppose à la descente des voiliers vers le sud.
Durant les quatre premières journées de traversée, le noroit ne nous quitta pas, nous poussant grand largue (120° du vent) et nous offrant la « following sea » chère aux souhaits de bon vent des anglo-saxons. Le soleil nous accompagna malgré une couverture nuageuse de plus en plus présente au fur et à mesure de la descente. Nous qui craignions d’être copieusement arrosé, tout se passait bien. C’est alors que le vent refusa et vira SW jusqu’à faiblir au point de nous contraindre à rentrer la grand voile lattée ainsi que le yankee. Nous restions sous trinquette seule, maintenue haute et bordée à plat pour la stabilité du voilier. De gros nuages menaçants se sont alors accumulés     sur l’horizon de notre route. Le radar montrait plusieurs foyers de grosse pluie qui nous barraient la route. Le « Motion scoop » de notre nouveau radar colorait même certains foyer de rouge ce qui en montrait l’intensité. Je savais que nous allions déguster ! Le vent annonciateur de la pluie monta jusqu’à 35 noeuds m’obligeant à choquer la trinquette qui, à elle seule, donnait une belle gîte au bateau ! Fort prudemment, nous avions rentré le Bimini ! Et je me félicitais d’avoir ma grand voile dûment ferlée dans son « lazybag ». La pluie, comme sortie d’un nettoyeur haute pression, vint en renfort du vent pour nous obliger à rentrer à l’abri non seulement de la capote mais également de la descente partiellement fermée pour éviter les trombes d’eau qui déferlaient sur nous me faisant penser à ces gaulois que seule la peur de recevoir le ciel sur la tête, empêchait d’avancer ! Par Toutatis, nous étions servis. L’idée de savoir cette pluie emporter toutes les salissures des retombées des fumées panaméennes nous réjouissait malgré le fait que ces violentes averses se succédaient et prolongeaient ainsi notre inquiétude, l’idée d’être entrain de faire le gros dos face aux éléments étant bien présente ! Debout dans la descente, comme un enfant, je m’émerveillais de ce déchaînement naturel . L’océan était blanc des vagues de vent décapitées et transpercées par la pluie diluvienne qui l’arrosait copieusement ! Le phénomène perdura un bon trois quart d’heures avant de connaître une accalmie.
Quelques heures plus tard, le dicton « après le pluie le beau temps » se vérifia une fois de plus accompagné d’un petit vent sympa. Nous décidâmes de renvoyer de la toile et de nous débarrasser du bruit du moteur. C’était sans compter sur la loi de Murphy (ou loi de la vexation universelle). Notre drisse de grand voile, secouée par les fortes bourrasques générées par le grain précédent s’était coincée dans les hauts, bien au-dessus de notre radar ! Nos nombreuses tentatives pour la décoincer s’avérant inutiles et sachant que les conditions de mer allaient s’améliorer, nous nous armâmes de patience et poursuivîmes notre route au moteur. Il fallait grimper ! A ce moment, l’océan était trop creusé pour tenter l’aventure dès le constat d’impossibilité de hisser la grand voile.
Peu de temps après, les conditions de mer s’améliorant et motivés par le désir de faire taire ce moteur qui nous cassait les oreilles depuis trop longtemps, nous prîmes la décision de grimper, moi jouant le ouistiti et Marjo m’assurant au moyen de la drisse de spi non utilisée. Quelle bonne idée avais-je eue d’installer des marches de mât ! Néanmoins, il s’agissait de bien me tenir car le mât n’attendait qu’une erreur de ma part pour m’envoyer valdinguer dans les haubans ! Autant je peux être fanfaron lorsque je travaille en hauteur en marina, admirant au passage le merveilleux point de vue que l’on peut avoir de là-haut, autant ici, je me réjouissais de mettre cette corvée derrière moi. Marjo, toujours stoïque dans ces grands moments, se concentra sur la tâche si bien qu’elle ne me laissa pas le moindre mou dans la drisse tant à la montée qu’à la descente ! La preuve que je n’étais pas fier est que la drisse récalcitrante fut libérée en moins de deux minutes si pas moins ! Je ne sais si je ne l’ai pas déjà écrit quelque part mais je reconnais que je n’ai jamais eu l’étoffe d’un héros… d’autant qu’ici, au bout du monde ou presque, Marjo autant que moi n’avons pas droit à l’erreur…
Alors que j’écris ces lignes, nous sommes à 50 milles du passage de l’Equateur. Je ne sais s’il mérite une majuscule mais je l’ai tellement attendu que je lui en décerne une au passage. Marjo toujours enjouée, nous a préparé un petit scénario de circonstances avec déguisements en sirène et Neptune. La bouteille de champagne de nos amis de La Roche-Bernard Jean-Pierre & Catherine est au frais et nous nous apprêtons à fêter dignement cet instant solennel en trinquant à leur santé et à celle de toutes celles et ceux qui nous suivent. Nous joindrons bien entendu des photos de ce moment mémorable où l’hémisphère sud nous tend les bras pour nous accueillir et être le théâtre de nos aventures encore à venir.
Copie d’écran de notre traceur au moment du passage de l’équateur.

passage de l'équateur.jpg


Quand on aime, on ne compte pas ! De plus, je ne suis pas très attiré par les chiffres. Ce que je trouve intéressant à noter, c’est le nombre d’heures moteur nécessaires à une traversée. Moins il y en a eu plus belle est-elle car elle se fait sous voile ce qui en décuple le plaisir. Cette traversée qui se termine - nous serons arrivés demain matin - aura, autant que possible, épargné le moteur qui ne nous a vraiment été indispensable que pour finir le parcours contre le courant de Humboldt que nous avons sciemment évité en allongeant la route.
Nos nouvelles voiles sont en rodage ainsi que nous qui les manipulons et devons reprendre nos nouvelles marques. Malgré cela, elles nous ont donné entière satisfaction par leurs performances par petit temps surtout, leur efficacité commençant déjà à se faire sentir dès 2-3 Beaufort ce qui n’était pas le cas auparavant. Aux 600 milles à vol d’oiseau  correspondant à la distance à effectuer, on peut en ajouter plus de deux cents en changements de cap afin de s’adapter au vent. Tous comptes faits (à ma façon bien-sûr), en ralliant l’Equateur en six petits jours, on ne s’en est pas si mal tiré ! Et maintenant, préparons nous à passer la ligne !… (à suivre…)
Copie d’écran de notre traceur montrant notre sillage sur l’océan

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+ quelques photos de la cérémonie de passage :

a8a538ac-99e3-43b4-b89c-b618161c1e7c-1.JPGEquateur.jpg2942516e-4f46-4edc-962c-c39bf39e2d74.JPG

 

Icc8248009-510f-48fa-a8f6-eb883d589225.JPGLa cérémonie comportait une offrande à l'océan pour encourager Neptune à nous protéger en nous facilitant le passage lorsque nous traversons... Nous avons offert sardines, fruits, tranches de pain,...

Tous les marins sont superstitieux !!!

 

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