17/03/2016
Cuba l'inconnue...
L’Otter II découvre Cuba sourire, Cuba gentille, Cuba généreuse…
Forts de la présence à bord de notre Manon et après nous être bien imprégnés de l’ambiance de Santiago de Cuba, nous larguons les amarres après avoir laissé les autorités vérifier qu’aucun cubain clandestin ne s’est faufilé dans une cabine. Devoir accompli, les officiers de l’immigration nous aident et c’est presque avec tristesse qu’ils nous regardent nous éloigner du quai. C’est fou comme une semaine de rapports où la cordialité de départ a fait place à une sorte d’amicale fraternité tisse des liens.
Il y avait Arthuro, l’officier de l’immigration, Georges, le capitaine de la marina, Armando, Norberto,… tous, dans les limites de leurs possibilités administratives, tournés vers le souci de nous être agréables. Arthuro ira jusqu’à relever l’intérêt de Marjo pour le café cubain (impossible à trouver en grains à Cuba) et, sans rien promettre, en fit apporter par son beau-père depuis sa lointaine montagne. Marjo, ravie, fut placée pour la première fois de sa vie devant du café non torréfié, problème qu’elle résolut presque sur le champ en cuisant les grains dans une poële à frire. Le café, moulu ensuite au moyen de notre nouveau moulin, développa tous ses arômes dans notre cafetière Bialetti et ce, pour notre plus grand plaisir. La femme de Norberto nous fit même offrir deux jolies petites poupées cubaines confectionnées par ses soins. Nous les avons bien entendu exposées en bonne place dans notre carré. Toutes ces gentillesses ne furent bien entendu pas à sens unique. Chaque fois que nous remarquions de l’intérêt pour l’un ou l’autre objet dont nous pouvions nous passer, nous leur offrions de bon cœur. C’est ainsi que du fil électrique, des vieilles clés USB, des CD-Roms, un tuyau d’arrosage,… ont bien vite trouvé acquéreurs. Bref, tous ont transformé notre bref séjour à quai en une semaine où nous nous sommes vraiment sentis accueillis.
Cuba accueillante…
Après une première navigation de nuit au cours de laquelle l’alizé nous emmena en douceur vers l’ouest, nous mouillons dans Cayo Media Luna, repéré comme un excellent abri par tous les temps. Nous y sommes seuls. Le plan d’eau est aussi tranquille qu’un lac. La première nuit est illuminée par une pleine lune magnifique. Le vent est tombé. Nous écoutons le silence. Nous n’en croyons pas nos oreilles…
Cayo Passa Honda nous accueille ensuite. Mer d’huile. Couché et levé de soleil impressionnants, les cieux semblent vouloir prendre feu. Des vols de flamands roses… La vie est belle à bord de l’Otter II. Les appareils photographiques, une fois sortis de leur sacoche, n’y retournent pas, enregistrant tant et tant de magnifiques images témoins de ces moments de vie privilégiés.
Manon semblant bien reposée de son long voyage, nous nous décidons à avancer vers Cayo Cuervo. Approchant du piquet d’entrée du lagon, les fonds remontent rapidement. La carte est suffisamment imprécise pour nous inciter à la prudence. Nous mouillons donc un peu à l’écart afin de ne pas gêner le passage des quelques crevettiers qui semblent avoir choisi le lagon comme base de départ. De là où nous sommes, nous observons les entrées et sorties de ces pêcheurs qui, une fois ancrés, nettoient leur filets chargés de crevettes. Dès ce travail terminé, l’ancre est relevée et le crevettier vient se mettre à couple d’un navire plus important qui semble être le bateau mère dans les cales duquel les crevettes sont stockées probablement sous glace. Nous pensions nous retrouver là-bas tous seuls et non près d’une flottille de bateaux de pêche au travail mais il est trop tard pour changer de Caye. Nous ne le regretterons pas. Le soleil est déjà bas sur l’horizon. Nous vérifions la bonne tenue de l’ancre lorsqu’un troisième crevettier revient de pêche, passe à côté de nous et, l’équipage nous faisant amicalement signe de les suivre, embouque la passe à une encablure à droite de la perche comme s’il y avait 5 mètres d’eau sous sa quille ! Nous leur répondons par signes que notre tirant d’eau, trop important, nous en empêche…
Là où nous sommes, l’ancre a bien croché et nous décidons de rester dehors pour la nuit.
Pas avant seulement d’avoir approché ces pêcheurs qui nous faisaient de grands signes amicaux et nous invitaient à les suivre à l’intérieur du lagon. Nous grimpons dans l’annexe et sondons la passe à l’ancienne (en lançant un plomb de sonde en avant du dinghy et reconnaissant la profondeur en passant à la verticale du plomb - Jamais en panne et nettement meilleur marché qu’un sondeur électronique !). A l’endroit où les crevettiers passent, il y a 3,5 m et plus ! Largement assez pour notre Otter mais bon, on n’est jamais assez prudents !
Nous nous approchons. Marjo, toujours prévoyante, a emmené une bouteille de rhum, des savons et autres petites choses que nous savons rendre heureux ces cubains le plus souvent démunis. On se présente. Depuis mon arrivée en terre cubaine, je suis Juanito (plus facile à prononcer que Jean), Marjo est Maria (Ils arrivent pas à dire Marjo !) et Manon garde son beau prénom plus facile à prononcer. Les mains se tendent. Les sourires illuminent leurs visages tannés par le soleil caraïbe. Marjo demande : « Cambio Camaronese por Rhum ? » Cela déclenche l’hilarité générale - comme s’il n’y avait pas de crevettes à bord d’un crevettier ! A peine sortie de son sac, la bouteille de rhum disparaît à leur bord.
Toujours riant aux larmes, un des marins nous donne un saut plein de magnifiques crevettes dont Marjo espère prélever la quantité suffisante aux besoins du bord. Que nenni ! Ils insistent et moi je traduis : « Vous devez manger tout ! » Il est vrai qu’elles sont belles leurs crevettes… Difficile de trouver plus frais ! Soucieux de quand même varier un peu les prochains menus, je risque : « langosta ? » et, comme par magie trois belles langoustes atterrissent dans le fond de l’annexe. Quelle générosité. Rien n’a encore été négocié. C’est cadeau ! Marjo leur donne en extra des savons, deux paires de lunettes de lecture (hautement appréciées) et quelques crèmes de beauté pour leurs « mujers ». Penchés au-dessus de leur bastingage, leurs sourires en disent long sur leur reconnaissance. Je pense encore une fois : « On a tout ; ils n’ont rien et sont contents de l’instant présent qui les enchantent presqu’autant que nous ! ».
Cuba généreuse…
Rentrés à bord, Marjo s’active avec Manon pour prendre soin de nos cadeaux de la mer. Outre les crevettes, elle a reçu des calamars qu’elle prépare comme il se doit selon une recette de tapas espagnols déjà bien connue. Les calamars et quelques kilos de crevettes dont une partie sera cuite et décortiquée, disparaissent dans notre frigo. Il n’empêche que, sans congélateur, il est fort heureux que tous les trois, nous apprécions les crevettes car nous en avons reçu de quoi nourrir un équipage bien plus nombreux ! Notre réserve de protéines pour les jours suivants est en tout cas assurée !
Alors que nous envisagions de poursuivre notre route vers l’ouest, des amis-bateau Français arrivés entre-temps, viennent gentiment nous prévenir que le vent va monter la nuit et qu’il ne fera pas bon rester dehors. Ils nous disent qu’ils tiennent ces infos des pêcheurs qui nous invitent à venir mouiller près d’eux, à l’abri de la mangrove. Ils nous disent que cela les rassurerait. Appréciant cette intention toute empreinte de la gentillesse cubaine, nous levons l’ancre et allons la remouiller un demi-mille plus au N, bien à l’abri de la mangrove qui nous protégera efficacement des rafales qui montèrent durant la nuit à plus de 35 nœuds.
Cuba attentionnée…
Le lendemain, cap vers les Jardins de la reine proprement dits, à Cayo Breton, où nous mouillerons également bien à l’abri. Là, à peine ancrés, des pêcheurs de langoustes reviennent de leur longue et pénible journée de travail. Ils plongent en apnée presque du lever au coucher du soleil, vêtus de combinaison en néoprène dont ne voudrait plus un club de plongée africain. Mais ils sont là, souriants, appréciant notre joie de les rencontrer. Ils remarquent immédiatement que nous les acceptons à couple en mettant en place les pare-battages. Manon trépigne, l’appareil photographique mitraille les pêcheurs qui s’y prêtent avec complaisance. La séance de troc commence. Je choisis deux grosses langoustes parmi celles qu’ils nous proposent et refuse les autres en leur disant que nous n’avons pas de congélateur et que nous ne voulons pas gaspiller leur gagne-pain. Marjo leur donne notre dernière bouteille de rhum. Manon est invitée à leur bord et n’hésite pas à enjamber le bastingage, elle va à leur rencontre digne héritière du charme communicateur de sa Maman. Les pêcheurs sont sous le charme et, malgré mes protestations, me balancent deux belles langoustes supplémentaires pour accompagner les deux premières. Pendant ce temps, le plaisir de la rencontre est évident. La glace est rompue. On papote en une sorte d’espéranto espagnolisé. Marjo progresse. Manon se rappelle ses cours d’espagnol de l’ISALT et participe. Ils me demandent une vieille écoute de yankee que j’ai laissé traîner sur le pont. Je la leur donne avec grand plaisir car au moins, je suis certain de lui donner une seconde vie. Ils demandent si nous avons de la crème protectrice pour leurs lèvres que l’eau de mer attaque en permanence. N’en ayant pas, Marjo compense en leur donnant des rouges à lèvres pour leurs épouses. Elle distribue aussi trois paires de lunettes de lecture neuves achetées en vue de cette situation. Nous nous amusons beaucoup de leur enthousiasme à recevoir des objets qui sont tellement rares pour eux qu’ils ne remarquent pas en les essayant qu’ils sont encore protégés par une fine pellicule de plastique, ce que nous nous empressons de leur faire remarquer. Dans la conversation un plongeur signale en riant les nombreux trous parsemant sa combinaison. Je me rappelle en avoir encore une ancienne toujours en bon état mais que mon embonpoint m’empêche désormais d’utiliser. Je la trouve et la lui donne sans savoir s’il va pouvoir l’utiliser et J’obtiens son plus large sourire comme toute réponse. C’est alors que l’un d’entre eux s’aperçoit que nous avons suspendu à la poupe de notre voilier, un bout où j’ai enfilé par leur anse un grand nombre de bidons à eau potable vides que nous destinons aux poubelles. Ils nous les demandent avec empressement et sont immédiatement satisfaits, trop contents que nous sommes de nous débarrasser de ces encombrants récipients qu’ils vont eux remplir et utiliser au quotidien leur offrant ainsi, à eux aussi, une seconde vie ! Quelle belle leçon de vie ! Quelle merveilleuse rencontre ! Ils prennent alors congé non sans avoir demandé à Manon si elle était mariée…
Pendant que les amarres sont larguées, Manon remarque avec une émotion toute maternelle que certains essaient les produits cosmétiques sur eux-mêmes utilisant les rouges-à-lèvres avec le plus grand sérieux. A peine éloignés de quelques encablures, ils laissent éclater leur joie. Ils sont manifestement satisfaits, eux aussi, de la rencontre. Notre joie, plus discrète mais non moindre, est à son comble. Quel beau et bon moment de vie ! Le mot dollars ou CUC (monnaie locale) n’a pas été prononcé une seule fois. Le matérialisme que nous tentons d’éviter au quotidien s’est tenu à l’écart…
Cuba la vraie…
(à suivre…)
16:52 Écrit par Otter2 dans Journal de bord, Rapport de terre/mer | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook |
Commentaires
Écrit par : Maryse | 19/03/2016
Bon voyage
Écrit par : Roger Gamache | 19/03/2016
Les commentaires sont fermés.