28/01/2016
La femme-sirène
Hier, en réponse à un ami FB Raynald Collard, je parlais de femme-sirène. Je dédie cette page FB à Marjo, ma femme-sirène, à Ann van de Gent, à Josiane Beauvilliers, à Chantal Beguin, à Isabelle Bertin,... à travers ce beau texte - de Hervé Hammon - que j'aurais voulu écrire moi-même. Voici : « Femme
Il est un être aussi rare que l’ormeau nacré d’équinoxe, l’ormeau qui ne se déniche que très loin, au jusant, lors de conjonctions spécifiques du varech et du roc, du vent et du coefficient – avec, en prime, un rien de hasard et beaucoup de chance. J’en connais plus d’un, chez mes amis, qui n’a jamais expérimenté pareille rencontre. Et moi-même, je l’avoue, n’y suis arrivé que fort tard, mais avec délice. Je sais que mon propos est jusqu’à présent trop énigmatique, ce qui est radicalement déconseillé dans les ateliers d’écriture. J’avouerai qu’il pèche encore : il risque de passer, à tort, pour politiquement incorrect. Car l’animal fabuleux que je compare à l’ormeau rarissime est la femme navigante.
(…) Mon propos est infiniment plus modeste et empirique. Un simple constat. Souvent, bien souvent, la vie de plaisancier et la vie de couple, ça ne colle pas très bien. Ce n’est pas une question d’amour, ni de tendresse, ni de fidélité, ni de complicité. C’est que l’une a envie de Corse quand l’autre a envie d’Irlande, l’une a envie de havres quand l’autre veut bouffer des milles, l’une a froid lorsque l’autre frissonne d’allégresse, l’une se sent enfermée dehors quand l’autre s’épanouit devant l’horizon sans nulle aspérité.
Mille contre-exemples seront aussitôt brandis. Ceux qui ont, pour de bon, cédé au mirage du « grand départ ». Ceux qui, depuis vingt ans, écument de concert et de conserve caps et criques. Ceux qui sont à leur cinquième bateau et manoeuvrent sans un mot tant les réflexes leur sont communs. Tout cela existe, assurément.
Il n’empêche. Si vous questionnez les professionnels des chantiers, les loueurs, et le peuple rougi des pontons, tous en conviennent : la femme navigante, celle qui habite réellement un navire, qui le conçoit comme son territoire, comme sa maison, qui accepte d’en vivre les inconvénients par plaisir plus que par concession, cette femme-là n’est pas si fréquente, à la manière des ormeaux précieux et nacrés. Ce n’est probablement pas affaire d’hormones, mais de culture. Le monde des gens de mer a été si masculin, et le reste en maintes spécialités, qu’il n’est guère surprenant que nos filles et nos compagnes se méfient et s’enfuient.
Justement : la plaisance, ici, a une responsabilité particulière. Ce n’est pas des cargos ni des dockers que viendra – peut-être – le grand chambardement. C’est du monde des loisirs, et par le truchement des femmes. Quand elles se seront approprié l’eau salée, et pas seulement en douillette thalassothérapie, quelque chose aura vraiment basculé au royaume de Neptune.
Si, par chance, vous la croisez, votre grande sirène, celle qui n’hésite pas entre femme et poisson, soyez conscients de votre privilège. Et dites-vous que la révolution est parfois douce. »
16:24 Écrit par Otter2 dans Journal de bord, Moments de vie | Lien permanent | Commentaires (0) | Facebook |
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