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20/07/2013

Les tortues de dos Mosquiès

 

Les tortues de Dos Mosquises

 

 

 

Arrivés aux Roquès le 17 avril, nous passons devant l’île principale siège de l’immigration/douane vénézuélienne alors que le vent n’invite pas au mouillage. Il y a peu de bateaux mais le clapot est tel que nous modifions nos intentions en nous disant qu’il doit y avoir plus confortable et surtout plus éloigné du Pouvoir. Nous savons en effet que s’il est possible de faire les formalités d’entrée à El Grand Roque, il faut effectuer celles de sortie sur le continent c’est-à-dire au Venezuela ce qui est exclus (ni le temps,ni le moment – actualité inquiétante - ni l’envie de côtoyer des pirates !). Nous poursuivons donc notre route mais le vent est tellement soutenu qu’il a étendu le clapot à l’intérieur même des lagons sensés accueillir notre ancre diminuant ainsi, voire annulant la possibilité visuelle de contourner les nombreuses patates de corail qui pullulent dans tout l’archipel. Nos cartes n’étant pas bien référencées d’une part et de toute façon, l’expérience nous l’apprendra, fort imprécises, nous choisissons un mouillage qui nous semble être le plus facilement accessible. Après un essai à Elbert Cay, nous mouillerons au vent de Cao de Agua où nous passerons une nuit assez stressante suite à notre position « au vent ». Je suis toujours plus rassuré quand je suis sous le vent car on n’est jamais tout-à-fait certain, avec des rafales de vent à trente nœuds et plus, que l’ancre ne dérapera pas. Nous retrouvant sain et sauf le matin alors que le vent ne désarme pas, l’idée m’en vient de ramasser mon mouillage et de me sauver vite à Bonaire nos aussières frappées sur une solide bouée ! J’en avais d’ailleurs déjà suggéré l’idée à Marjo qui ne m’avait pas caché sa désillusion. Elle avait dans la tête de ne pas quitter les Roquès sans avoir visité Dos Mosquises et son centre de recherche sur les tortues. J’étais donc en plein conflit entre le risque pour le bateau (cartes mal référencées et imprécises et difficulté d’entrée à Dos Mosquises avec un grand tirant d’eau, la profondeur de l’étroite passe d’entrée n’excédant pas trois mètres !). Etudiant donc cartes et guides afin de tenter de contenter mon amoureuse, je décidai de faire confiance aux Waypoints donnés par le guide et de tenter notre chance uniquement à l’aide du GPS. Après concertation, nous décidons de tenter le coup et dirigeons notre étrave sur l’atoll en question. Nous y entrerons sans problème tout étonnés que notre Otter soit amphibie car sur notre carte électronique, c’est carrément sur l’île que nous étions posés !!! Mais, ouf ! On y est arrivés et le mouillage est ici tellement protégé par les récifs que le vent qui ne désarme toujours pas parvient à peine à rider la surface du lagon.

 

Seul un catamaran se trouve au mouillage. Il ne restera pas. Sur le rivage, quelques bâtiments où semble régner un certain ordre, confirment la présence d’un centre de recherche. Fatigués par nos nuits précédentes, nous reportons au lendemain notre visite de l’île et passons un merveilleux moment de farniente, rassurés que nous sommes avec une ancre complètement enfoncée dans un sable de très bonne tenue. La nuit sera douce à bord de l’Otter II.

 

Le lendemain, nous descendons à terre et faisons la connaissance des deux personnages qui se partagent la responsabilité du Centre : Luis et Martin. Luis est en dernière année de Médecine vétérinaire et Luis est le guide qui nous emmènera visiter ses merveilleuses pensionnaires, des jeunes tortues marines à différents stades de croissance. Il nous fait son petit exposé en espagnol et nous propose d’adopter une tortue prête à être confiée à l’océan. Nous lui donnerons un nom et, par ce geste symbolique, participerons à la préservation de l’espèce tout en alimentant les caisses vides de ce centre non subsidié. Et c’est donc en l’honneur de mon premier petit-fils, né comme son Papa le 17 avril, qu’un petit Charly a été émancipé, sa vie de tortue libre commençant sur la plage de Dos Mosquises. Ce geste très symbolique nous a beaucoup touchés car comment ne pas s’inquiéter de l’avenir de cette tortue encore si petite livrée à l’océan ? Ses principaux prédateurs ne seront-ils pas les déchets de notre inconséquence ? Un sachet en plastique par exemple, qu’elle confondrait avec une délicieuse méduse !? Ou bien, si elle s’approche trop des plages de baignade sera-t-elle confrontée à l’agression des produits solaires qui lui infligeront d’insupportables dermatites ? J’en reparlerai plus loin. Mais cessons d’être pessimistes et souhaitons-lui une belle vie océane. Souhaitons-lui de pouvoir à son tour entrer dans le cycle de la vie en se reproduisant pour que nos enfants,  petits-enfants et arrière-petits-enfants puissent encore s’émerveiller lorsque, devenus plongeurs, ils en rencontreront au hasard de leurs plongées, majestueuses et belles, et libres… partageant ainsi pour quelques instants magiques cet encore merveilleux monde sous-marin…

 

Notre petit Charlie parti, nous retournâmes au centre, très silencieux, chacun accaparés par nos pensées allant de l’océan au berceau de mon petit-fils, philosophant à propos de la vie, la nôtre, la sienne,…

 

Marjo, toujours enthousiaste et curieuse de tout, s’inquiéta de tout le travail que nécessite  l’entretien de ces divers bassins où sont rassemblées les différentes espèces de tortues à différents stades de développement. Tous les deux jours, lui répond-t-on, on vide les bassins et on déparasite les tortues en les brossant car sans cela, leur carapaces se couvrent d’algues nocives pour leur développement. Ah, bon, dit-elle. Et quand devez-vous procéder à ce grand nettoyage ? Demain matin ! lui répond-t-on. Et Marjo de nous proposer pour les aider car il y a de l’ouvrage, une bonne centaine de tortues attendant de recevoir des soins. Affaire conclue. Rendez-vous est pris demain matin à 8 heures.

 

Le lendemain, vous auriez dû nous voir, Marjo et moi transformés en apprentis vétérinaire pour prodiguer les soins à toutes ces tortues pas très contentes d’ailleurs d’être ainsi manipulées ! Par brossage, nous dûmes enlever les taches verdâtres qui s’accumulent sur les carapaces et ce systématiquement pour chacune des tortues rassemblées ici. Pendant cette opération, nos deux hôtes nettoyaient à grande eau les bassins dans lesquels nous redéposions les tortues débarrassées de leurs algues. Ils avaient eu la gentillesse de nous réserver la part belle de la corvée en nous confiant les tortues et non balais et brosses de récurage des cuves ! Il n’empêche qu’une fois la longue séance de déparasitage achevée, Marjo se saisissait d’un balai et poursuivait son occasionnel travail de fermière océanographe avec détermination. Pendant ce temps – il faut bien que quelqu’un le fasse ;-)– je photographiais et filmais afin de nous conserver le souvenir de ces précieux moments.

 

Je me dois ici d’introduire la réflexion annoncée plus avant concernant l’usage des crêmes solaires très nocives pour ces animaux. Nous constations en les brossant, la présence de dermatites au niveau du cou et des nageoires et, nous en inquiétant, nous interrogeâmes Luis qui nous en fournit l’explication. Il les soigne avec un mélange désinfectant de miel et beaucoup d’amour. Quelle patience ! Quelle passion ! Un grand bravo à Luis et Martin pour leur dévouement à la cause animale.

 

Le nettoyage une fois terminé, nous participâmes au nourrissage constitué de petits poissons pêchés au filet sur le platier ainsi que de sargasses qui doivent être préalablement nettoyées avant d’être introduites dans les bassins. Elles renferment en effet d’autres petites herbes  qui n’intéressent pas les tortues.

 

Le lendemain, nous rendant compte du peu de moyens dont disposaient nos amis, Luis et Martin, nous décidâmes de « libérer » une seconde tortue. Profitant de l’expérience de la veille pour parfaire notre séance de films et photos, nous choisîmes une autre tortue et la déposâmes sur la plage afin de lui permettre de prendre le large sous nos yeux attendris et le feu de nos caméscope et appareil photographique. Martin s’improvisa photographe et cinéaste pour nous aider à immortaliser le départ dans sa nouvelle vie de « Maria », le nom de Marjo  préféré par les espagnol qui prononcent difficilement son prénom. C’est ainsi qu’une petite tortue appelée Maria commence sa vie océane. Peut-être, si c’est une femelle – ce que l’on ne peut déterminer qu’après une bonne vingtaine d’années – reviendra-t-elle sur cette plage pour pondre et recommencer le merveilleux cycle de la vie. Mais peut-être sera-ce Charlie qui viendra car moi seul avait décidé le jour de sa « libération » que cette tortue ne pouvait être qu’un garçon !

 

 Avant de prendre congé, nous fûmes accueillis par nos deux hôtes qui  furent intarissables au sujet notamment des travaux d’archéologie dont LEUR île a été le théâtre. Un grand livre rempli de photos à l’appui, Martin nous montra toutes les statues indiennes retrouvées dans les fouilles et nous apprîmes qu’en ces temps-là, les indiens investissaient une île jusqu’à ce que l’un d’eux y décède. Ils l’enterraient alors et partaient à la découverte d’une nouvelle île où ils recommençaient cette vie de nomades. Il est vrai qu’à l’époque ils avaient l’embarras du choix et n’étaient pas trop nombreux à se les disputer comme le firent plus tard  anglais et français !!!

 

Sachant que nos amis n’étaient plus ravitaillés depuis maintenant  deux mois (un petit avion qu’une piste peut accueillir sur l’île n’étant plus venu sans qu’aucune explication ne leur soit fournie), Marjo leur avait préparé un viatique comprenant notamment des légumes, des conserves et des œufs. Ce n’est qu’après avoir accepté de boire le coup avec eux (un excellent rhum local) que nos deux hôtes nous laissèrent les quitter non sans nous avoir embrassés comme si nous étions de vieux amis. Quels beaux moments de vie ! Quels bons souvenirs ! Le soleil descendait sur l’horizon lorsque, silencieux, nous nous éloignâmes de ce merveilleux atoll, écrin de nos émotions…

 

 

 

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