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07/07/2013

septembre 2012

Rapport de mer II.1

Après une semaine de remise en état du bateau qui, après quatre mois de mise au sec au chantier Royal Marine de Curaçao, avait subi les affres de l’air tropical particulièrement agressif à cet endroit. Ne me demandez pas pourquoi ! Le constat est que tous les inoxs ont été plus ou moins oxydés même des pièces d’accastillage Wichard réputées pour leur qualité ont encaissé. Il a donc fallu organiser leur sauvetage à coup d’huile de bras et surtout d’un produit de passivation - découvert par Marjo – qui fait des merveilles.

Ensuite, quittant le chantier où j’avais débarqué toute la chaîne d’ancre pour la vérifier et la repeindre, j’avais constaté que notre guindeau[1] était HS. La raison en étant inconnue et le temps pressant, c’est à la main que nous avons mouillé à Spannish water, magnifique enclave, véritable trou à cyclones, situé à quelques milles à l’est de Willemstad. Nous sommes restés là une semaine, le temps de préparer le bateau à naviguer. Nous devions notamment replacer notre yankee (grande voile d’avant) sur son enrouleur (nous avions dû le porter à la voilerie locale pour réparations. La transat et les navigations caraïbes de l’an passé  avaient eu raison du nerf de chute[2] et du point d’écoute qu’il fallait réparer) et surtout nous occuper du guindeau ! Cela, ce n’était pas une mince affaire. Je vous passe les détails de mes nombreux séjours dans la baille à mouillage plus adaptée à la taille d’un chinois qu’à la mienne et ce par 35° ! Démonter ce guindeau resté en place pendant 23 ans m’a pris une demi-journée pour constater que l’origine de la panne n’était pas mécanique mais électrique. Les gros câbles qui courent tout le long du bateau depuis les batteries jusqu’à la proue étaient à remplacer. C’est terrible comme l’eau de mer, dès qu’elle trouve un point faible en profite pour s’infiltrer et effectuer son travail d’entropie qui ici, en mer, consiste à organiser le chaos. Un coût assez désagréable pour le portefeuille ! Au prix actuel du cuivre !!! Bref, remplacer ces câbles nous a pris et du temps et surtout beaucoup d’énergie. Je n’ai jamais bu autant ! Et pas des T-Punchs !!! De l’eau, de l’eau, de l’eau ! Je ne me rappelle pas l’avoir trouvée aussi bonne tant il est vrai que dans ces conditions, sans eau,  c’est la déshydratation assurée. Je transpirais des litres par jour ! Sans rien faire déjà, on souffrait de la chaleur mais en travaillant, c’était l’enfer… Aussi, quand tout a été remis en place et le guindeau testé, la satisfaction du travail bien fait a été proportionnelle à l’effort fourni. Pour être complet, je ne vous cacherai pas les efforts réalisés par Marjo et Ann pour se procurer le matériel nécessaire : allers-retours en dinghy, bus, auto-stop, marches forcées. Pendant que je souffrais à bord, les filles galéraient à terre… Pas si facile la plaisance ! Non seulement il faut bosser contre la tendance marine à l’entropie mais encore se préserver des passagers clandestins ! Et oui, à Piscadera, là où nous avions laissé le bateau et là où j’ai eu la mauvaise idée de laisser la chaîne d’ancre déroulée pendant une nuit le temps que la peinture sèche, un rat pour Marjo, une grosse souris, voire un mulot pour moi, a profité de cette aubaine pour monter à bord et c’est en effectuant le grand nettoyage d’un équipet[3] que Marjo s’est rendu compte de sa présence avec un grand cri d’épouvante digne des plus grands films du genre ! « Jeany, il y a un rat !!! Je te jure un gros rat ! » Courageux mais pas téméraire, pendant que Marjo récupérait un taux normal d’adrénaline, je me mets à la recherche d’une paire de gants en cuir que je ne trouve bien évidemment pas. Pour toute alternative, Marjo me propose un drap de vaisselle. C’est comme de chasser le chevreuil avec un lance-pierre ! Enfin, voilà les gants… Intrépide, je m’approche, l’air déterminé. Le même que celui que j’adaptais avec mes élèves difficiles… Vous voyez le genre !... M’apercevant, la « bête » comprend que sa vie ne vaut plus grand chose et, surprenant le chasseur, se jette vive comme l’éclair, dans l’équipet voisin, se faufilant sous tout ce qu’elle peut trouver comme abri. Marjo, très attentive, suit la chasse de très près. De trop près car dès qu’elle revoit bouger la « bête », elle me pousse dans l’oreille un nouveau cri hystériforme qui me provoque un réflexe de recul fatal. Mon crâne porte violemment contre le vaigrage[4] en teck massif et me fait voir trente-six chandelles ! La bête en profite pour sauter hors de sa cache et, à la vitesse de l’éclair se sauve hors du bateau escaladant l’échelle de descente en trois bonds. Marjo n’a rien vu. Moi, je dois dire que je l’ai à peine distinguée tant ma tête tente de récupérer du traumatisme subi. La chasse est finie. Je pense que la « ratatouille » - c’est le nom que notre amie Ann a donné à la bête – a fait le grand plongeon, terrorisée qu’elle était par l’agressivité évidente de mon attitude.    En réalité, la chasse ne faisait que commencer car Marjo n’étant pas convaincue de sa disparition, avait été acheter de la mort aux rats convaincue qu’elle était que c’en était un !... Et durant la nuit, on entendit que Ratatouille était encore bien là. La preuve en fut faite le lendemain matin : Ratatouille avait entamé avec enthousiasme le bidon en plastique contenant le poison. Constatant son intérêt pour celui-ci, nous lui en avons distribué pour sa troisième nuit à bord et elle s’en délecta. Fin de l’épisode.

La météo nous annonçant une longue période sans vent, et le bateau étant enfin prêt, nous décidons de lever l’ancre et de véritablement poursuivre notre route. A 17 heures précises, SAS3  faisant de même, nous sortons de Spannish water et mettons le cap sur les îles Aves (Venezuela). Nous naviguons de conserve. SAS3  sous voiles, nous au moteur. Avec 5, 10 nœuds de vent, nos amis avancent entre 5 et 7 nœuds ! L’Otter II est plus exigent en vent et c’est donc au moteur que nous poursuivrons notre route. 80 milles nautiques sur une mer quasi d’huile. Nous n’avons même pas hissé la grand voile pour stabiliser le bateau. Cela n’était pas nécessaire. C’est entouré de gros nuages sombres que nous avons poursuivi notre route suivant le feu de poupe de nos amis qui nous précédaient. De temps en temps, un grain nous en masquait la vue. Les éclairs zébraient le ciel sans que cela nous étonne outre mesure tant nous nous sommes habitués à ce temps resté orageux depuis notre retour d’Europe. Il y a toujours un coin de ciel illuminé çà et là par des éclairs. Il paraît qu’aux San Blas c’est encore pire. C’est la zone où il tombe le plus de foudre au mètre carré !

Rassurés par le peu de navires détectés par le radar à 12 milles à la ronde, nous plaçons une alarme sur celui-ci et nous assoupissons, présumant que la nuit serait longue. Et elle le fut car un grain plus conséquent que les autres se présenta sur notre radar (Pour celles et ceux qui ne le savent pas, la pluie est très bien détectée par le radar et permet parfois au navigateur de s’en détourner). C’est ce que je tentai de faire mais c’était sans savoir que celui-là, il serait pour nous ! Petit à petit, de grosses gouttes nous firent rentrer tout ce qui risquait d’être mouillé dehors, fermer tous les capots et autres hublots et attendre que la pluie cesse pour tout rouvrir. Nous avons attendu une bonne heure durant laquelle des trombes d’eau se sont abattues sur le bateau à un tel point que nous avons dû fermer même la descente qui est pourtant protégée par la capote !... Un vrai déluge qui laissa l’Otter II bien rincé. C’est alors que le soleil se levait que nous avons aperçu l’archipel des Aves où nous avons atterri sans problème, quatre beaux dauphins venant nous souhaiter la bienvenue. Peu de temps après, notre ancre descendait dans une eau turquoise digne des plus belles cartes postales. Moteur de l’annexe remis en place, nous découvrons l’île faite de mangroves et de petites plages de sable de corail très fin et très blanc, un peu rosé. Des oiseaux , dont les  fous de Bassan à pattes rouges s’envolent à notre approche.

Nous retrouvons SAS3 ancré à quelques encablures. Un petit arrêt à leur bord s’impose pour échanger les nouvelles de la traversée et préparer nos futures plongées.

 

(À suivre)…



[1]Guindeau : sorte de cabestan moderne à propulsions électrique et manuelle destiné à faciliter les manoeuvres de mouillage

[2]cordage courant sur le bord de la voile et destiné à arrondir sa forme en fonction de la force du vent. Cela l’empêche également de battre.

[3]Petit espace de rangement dans un bateau.

[4]Grosse pièce de bois soutenant le “plafond” du carré.

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